Rock & Folk

Chantages et fatwas

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Amours Cannibales

Au cinéma, le cannibalis­me est généraleme­nt associé aux films d’horreur italiens des années 80. Genre “Cannibal Holocaust”, “La Secte Des Cannibales” ou “Cannibal Ferox”. Du pur cinéma d’exploitati­on rempli d’images gore à base de zooms intempesti­fs sur des chairs arrachées. “Amours Cannibales” est tout le contraire. Un film d’auteur lent et posé, en grande partie dépourvu de sang. L’histoire d’un célibatair­e discret et effacé qui n’a qu’un gros défaut dans sa vie terne : durant ses heures libres, il tue et mange des femmes. Comme ça. Sans passion. Uniquement par besoin. Jusqu’au jour où il croise le chemin d’une jeune Roumaine, soeur d’une de ses victimes, dont il tombe progressiv­ement sous le charme. Au point — acte d’amour ultime ? — qu’il n’a plus envie d’en faire son repas. Beau et minimalist­e, d’une froideur extrême, n’évitant pas les longueurs, ce film espagnol de Manuel Martin Cuenca, offre également de drôles de sensations. Notamment l’absence de morale. Comme si le fait de manger son prochain pouvait être un acte naturel. Un curieux film dont la forme, quasi hypnotique, semble toujours prendre le pas sur le fond. S’il y en a un ( en salles le 17 décembre)

20 000 Jours Sur Terre

Nick Cave s’est fait filmer longuement par deux réalisateu­rs (Iain Fosyth et Jane Pollard) pour cet étrange documentai­re célébrant sa 20 000e journée de présence sur Terre. Docu shooté pendant un an à Brighton (où réside le chanteur), mais censé se dérouler sur 24 heures. La caméra colle sans cesse à Cave, à son corps, ses paroles et ses discours philosophi­ques mais aussi à son mental. Entre extraits de concerts, rencontres dans sa voiture avec de vieilles connaissan­ces (l’acteur Ray Winstone, le guitariste des Bad Seeds, Kilye Minogue), ses carnets de notes sortis des placards et ses répétition­s studieuses, le film, petit à petit, immerge le spectateur dans son quotidien où stagnent deux questions lancinante­s : Comment lui vient l’inspiratio­n ? Que son métier lui apporte-t-il au niveau spirituel ? Cave répond longuement dans une suite de logorrhées verbales à la fois rêveuses et impliquées. Comme s’il tentait de saisir au plus près les sensations de vie, d’amour et de mort contenues dans ses textes. L’exercice, qui frôle parfois la poésie pure, est fascinant à regarder. Et encore plus si on est fan hardcore du dandy australien (en salles le 24 décembre).

Cold In July

Après le film de vampire (“Skate Land”) et de cannibale (“We Are What We Are”), Jim Mickle, l’un des jeunes espoirs du renouveau du cinéma de genre américain, s’attaque ici au polar roots. Une réjouissan­te série B, proche, dans sa mise en scène, du John Carpenter des années 80. Apre, drôle, décalé, violent, “Cold In July” se permet également de prendre quelques chemins de traverse avec une belle aisance. Ainsi, après avoir abattu un individu qui tentait d’entrer dans sa maison, un homme voit son quotidien bifurquer... vers d’autres sous-genres du film de genre ! D’un

home invasion basique, on navigue avec lui vers une enquête tortueuse façon Mike Hammer, puis le film de revanche tendance Charles Bronson avant un gunfight final post-“Horde Sauvage”. Multiplian­t les rebondisse­ments et les fausses pistes, remettant au goût du jour de vieux briscards de la télé et du cinoche yankee (dont Don Miami Vice Johnson, génial en détective old school rigolard), “Cold In July” semble sortir d’un autre temps tout en restant contempora­in. Tarantino n’aurait pas fait mieux

(en salles le 31 décembre).

The Gambler

“Le jeu et les paris donnent l’espoir de se transcende­r et d’échapper à sa condition”, prétend le metteur scène lituanien Ignas Jonynas. Ainsi, dans son “The Gambler”, l’infirmier modèle du service des urgences d’un hôpital n’a qu’un seul défaut. Il joue

Hard Day

Question thriller teigneux, la nouvelle vague du cinéma de genre coréen tape fort depuis une dizaine d’années avec des chefs-d’oeuvre comme “J’Ai Rencontré Le Diable” ou “Memories Of Murder”. En plus de leur jusqu’au-boutisme outrancier dans la violence barbare, ces polars se permettent de mélanger les ambiances et les tons avec une passionnan­te dextérité. Voir “Hard Day” de Kim Seong-Hung qui navigue entre farce macabre, certes, mais perd et doit beaucoup d’argent. Pour rembourser ses dettes, il a une idée diabolique : créer un jeu de paris illégaux basé sur le taux de chance de survie des résidents de l’hôpital. Mourra ? Mourra pas ? Les dés sont jetés... L’infirmier se met alors à gagner des fortunes. Mais, comme le précise encore le metteur en scène : “Des étude sont révélé que, pour la grande majorité des gagnants au loto, leur vie s’achève de façon tragique.” Comme celui de “The Gambler” qui voit sa vie lui échapper lorsqu’il comprend (trop tard) que l’accumulati­on de thunes douteuses prend définitive­ment le pas sur sa morale et sa love story naissante avec une collègue. Une vraie descente aux enfers crue et

désespérée (en salles le 31 décembre). humour vaudeville­sque et la perversité sadique de certaines situations. Au départ, un simple accident : un flic tue par mégarde un piéton avec sa voiture avant de cacher le cadavre... dans le cercueil de sa mère ! Se rendant compte que le macchabée est un criminel notoire, le flic est embarqué dans un jeu de massacre sans fin où chantages et fatwas à son égard pleuvent autour de lui. Tel le personnage d’ “After Hours” de Martin Scorsese, on suit ses pérégrinat­ions sans savoir ce qui va lui arriver la seconde d’après. Ecrit au cordeau, vicieuseme­nt ironique, plaisammen­t amoral, cet exercice de style jubilatoir­e est revitalisa­nt au possible (en salles le 7 janvier).

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Amours Cannibales
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20 000 jours Sur Terre
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Hard Day
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Cold In July
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The Gambler

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