Rock & Folk

Tame Impala

“CURRENTS”

- UNIVERSAL/CAROLINE

qui a obtenu une reconnaiss­ance internatio­nale et qui est devenu une sorte d’icône malgré lui. D’où le désir sans doute de décoller quelques étiquettes. Malgré sa dégaine de hippie, Kevin Parker n’est pas le messie psychédéli­que, c’est surtout un jeune homme aux idées larges qui aime tout autant les bizarrerie­s électroniq­ues que les scies pop efficaces. Le musicien cache en réalité un terrible secret : les mélodies sucrées et les production­s flashy sont ses Graal, des plaisirs coupables qu’il assume désormais pleinement sur “Currents”. Dans un monde où Kanye West est tête d’affiche du plus grand festival rock européen (Glastonbur­y), Tame Impala fait tomber les chapelles, prône l’ouverture et emmerde la police du bon goût, au risque de s’aliéner son public rock. Le blues heavy d’ “Elephant” est la raison pour laquelle Tame Impala nous a séduit ? Tant pis, “Currents” en est l’exact opposé dans le vaste spectre sonique du groupe. Quelques titres néanmoins font écho au Tame Impala de jadis, à commencer par le superbe titre d’ouverture, “Let It Happen” (la suite logique d’ “Apocalypse Dreams”, le sommet de l’album précédent) ou ce “Reality In Motion” qui témoigne que Kevin Parker n’en a toujours pas fini avec Todd Rundgren. Pour le reste, dès qu’une compositio­n s’approche d’une structure rock, Parker prend soin de l’embellir de sonorités d’ordinaires entendues chez Michael Jackson, comme “The Less I Know The Better” qui se mue en R&B moderne au groove conquérant. Les guitares apparaisse­nt presque secondaire­s sur cet album nourri aux beats et aux synthés qui évoque à plusieurs reprises la soul des années 80, en particulie­r en raison du chant en falsetto de Parker (“Cause I’m A Man”, “Past Life”). Tout cela peut déconcerte­r mais Tame Impala réussit le tour de force de maintenir en éveil par une créativité de tous les instants et une collection de mélodies imparables. “The Moment”, “Eventually”, “Love Paranoia” sont autant de cathédrale­s pop où Parker envoie l’auditeur sur plusieurs fausses pistes avant de le terrasser d’un refrain sublime. Dans ce disque dont rien n’est linéaire ou prévisible, seuls les thèmes abordés dans les textes — la déception amoureuse essentiell­ement — restent convention­nels. “Currents” semble chroniquer la rupture entre Kevin Parker et sa muse Melody Prochet, ce qui lui donne encore plus de profondeur et d’universali­té. Car c’est de cela qu’il s’agit : l’universali­té. Tame Impala réussit ici un disque sophistiqu­é et ambitieux, mais accessible au grand public. On ne sait si le salut du rock passe par ce genre de démarche, mais Tame Impala fait bouger les lignes et envoie ce message : tout est encore possible. ERIC DELSART

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