C’est de l’héroïne
avouer (“Andwe’veskatedforsolong”). Troisième titre, “And Luna”, l’impression de dévaler une piste de ski au ralenti sur une luge magique s’accentue. “X Hits The Spot” scrute une vie sous influence (“Say,what’shappenedtoallmyclothes, what’shappenedtoallmyfurnitures,you knowtheycan’tjustdisappear”), “The Prize” et ses choeurs pastoraux accélère la béatitude. C’est ainsi jusqu’à la fin de l’album, dans lequel sont forés des tunnels de rêverie reposant sur des tourbillons d’accords magiques. Les morceaux défilent comme autant de nouveaux rails : “Glynnys And Jaqui”, “It’s Harvest Time”, “Loaded Man” (au titre explicite et presque dangereux tant il peut faire perdre pied), lorgnant parfois vers le folk du Neil Young de “Harvest” (“Hocken’s Hey”), enfonçant Mazzy Star dans la léthargie ultime (“Fontilan”). L’album, enregistré dans ces conditions, n’est finalement sorti qu’en 1997, et assez confidentiellement avec ça, alors que la britpop, mille fois plus basique, vivait ses derniers éclats. Le four fut à la hauteur de sa splendeur. Il ressort aujourd’hui dans une version superbe concoctée par le label français Megaphone, qui s’était déjà distingué par des rééditions brillantes de Karen Dalton. Megaphone accompagne donc cet album splendide d’un autre CD d’inédits contenant plusieurs morceaux (“Fin, Sophie, Bobby And Lance”, “Poor Jill”) presque aussi somptueux que ceux des Strands, bien qu’étant rarement totalement finis... On conseille plus que tout l’achat de ce chef-d’oeuvre mort-né : il console lorsqu’on est déprimé, il rend plus heureux lorsqu’on l’est déjà.
Joy Division
Warner Tiens, on réédite “Substance”, l’antique compilation de Joy Division... Le concept de compilation pour un groupe ayant enregistré deux uniques albums peut prêter à sourire, mais “Substance” était surtout l’occasion d’ajouter les quatre singles avec leurs faces A et B et quelques raretés (“Warsaw”, “Leaders Of Men”, “Digital”, “Autosuggestion” et, pour cette nouvelle édition, “As You Said” et “Love Will Tear Us Appart Pennine Version”, soit une prise alternative du classique, qui n’apporte pas grand-chose). Le tout étant ici disponible via les remasters de 2010, impeccables. Quel intérêt, puisque les deux uniques albums du groupe sont indispensables ? Eh bien, tout simplement pour s’enfiler ces singles monstrueux, “Substance” est encore la meilleure solution. Qui dit mieux que “Transmission”, “She’s Lost Control”, “Atmosphere”, “Dead Souls” et “Love Will Tear Us Apart” ? On se pince pour se remémorer l’époque hallucinante où des groupes ne daignaient même pas placer des titres de cette qualité sur leurs albums. La batterie tellement novatrice, les guitares étranges, la basse agressive, la voix possédée, et puis ces textes (“Whenroutinebiteshardandambitions arelow...”) d’une maturité hallucinante de la part d’un si jeune homme. Enfin, il y a l’aspect fondamentalement original de cette musique : “Incubation”, par exemple... On sait que la troupe appréciait Bowie, les Stooges, le Velvet Underground et quelques Boches, mais “Incubation”, comme “Dead Souls”, ne ressemble à rien de tout cela : Joy Division avait inventé quelque chose. Cette guitare acoustique sur “Love Will Tear Us Apart”, quelle idée ! “Substance” est donc l’anthologie parfaite pour ceux qui n’ont pas les moyens de se payer le coffret “Heart And Soul”.
“Rastafari”
“THE DREADS ENTER BABYLON 195583”
Soul Jazz Toujours très sérieuse, la maison Soul Jazz sort une compilation pas comme les autres : vingt titres très pointus liés au mouvement rastafari largement expliqué dans un copieux livret (qui omet néanmoins de dater les enregistrements proposés comme de parler de la majorité des interprètes, certains étant très peu connus) : un épais gruau réunissant christianisme, animisme, hindouisme et panafricanisme relayé par deux hommes, Marcus Garvey (qui n’en était pas) et l’illuminé Leonard Percival Howell : celui-ci pensait tout simplement que Hailé Sélassié 1er, empereur d’Ethiopie, “roidesrois, seigneurdesseigneursetlion conquérantdeJudée” était le Messie revenu sur terre, et que les Noirs, descendants d’Afrique, étaient le peuple élu. Garvey, quant à lui, prônait le retour dans le giron africain (mais préfèrera aller en Angleterre). Les rastas initiaux, chassés de leurs communautés, débarquèrent à Kingston (d’où le titre “The Dreads Enter Babylon”), puis se mirent à faire de la musique. Dans ce domaine, un homme eut un rôle prépondérant :