Lloyd Cole The Commotions
Universal Ce cher Lloyd Cole... Malgré tout son succès, l’Ecossais s’est fait beaucoup moquer en son pays. Lorsqu’il est arrivé avec son premier album, le joufflu s’est mis à citer à tout va Joan Didion, Norman Mailer, Eva Marie Saint, Simone de Beauvoir, “Jules et Jim”, on en passe et des meilleurs. Etudiant en littérature et philosophie (la honte...), il employait des mots comme “cynicism”, “metaphor” et “Sympathize”. Les jeunes frères Gallagher, qui ne comprenaient pas tout, n’étaient pas trop fans. Et le RoyaumeUni, qui aime sa pop bien workingclass et ancrée au fond du pub, ne voyait pas pourquoi ce jeune homme faisait ainsi le malin. Car, comme il est écrit dans “Proverbes 12 : 33”, “l’hommeaviséne faitpasétalagedesesconnaissances, lessotsexhibentleurbêtise”. D’autant que sur scène, il faisait des trucs bizarres avec ses yeux et se passait beaucoup la main dans les cheveux. Et lorsqu’il chantait, il avait ce tic très irritant qui donnait l’impression qu’il déglutissait à chaque phrase. Ça rigolait sec chez les fans de Motörhead. Mais pourtant, Lloyd Cole avait la classe. Ce nom déjà. Et puis, en veste en daim, col roulé noir et Levi’s blanc, il arrivait à point nommé après les âneries gothiques et néo-romantiques, offrant une version contemporaine crédible d’un jeune beatnik new-yorkais en 1962. Il avait aussi, sous le bras, des chansons parfaites, réunies dans un premier album parfait. “Rattlesnakes”, sorti en 1984, est l’un des rares exemples d’albums où tout converge : les compositions, l’interprétation, la production et l’époque. Ce coffret réunissant les trois albums ainsi que deux CD de raretés et inédits (et un DVD réunissant les vidéos) montre très clairement à quel point Cole et son groupe étaient en forme. Après un premier titre inédit, funk atroce comme en pratiquaient plusieurs groupes pénibles en Angleterre à l’époque, des démos de “Rattlesnakes” montrent que tout était prêt, note pour note, y compris le solo de “Forest Fire” (nous y reviendrons). Le Cole avait des références impeccables : Love, Bob Dylan, le Velvet Underground, Television, les Byrds, T Rex, ainsi que Booker T & The MG’s, Al Green et Chic (une mode noire lancée dans sa ville de Glasgow par son aîné Edwyn Collins officiant chez Orange Juice, le groupe phare du coin, alors lassé du post punk). Une majorité d’Américains, en fait. Et pourtant, la musique de “Rattlesnakes” et des Commotions en général ne ressemble à rien de tout cela. Même la prédilection du génial Neil Clark — le guitariste le plus doué de sa génération en Angleterre avec Johnny Marr — pour les arpèges et les douze-cordes ne parvenaient pas à rendre l’ensemble byrdsien : les Commotions avaient inventé quelque chose. Et sur cet album, se déclenchait une avalanche de morceaux phénoménaux. “Are You Ready To Be Heartbroken ?”, “2cv”, “Charlotte Street”, “Patience”, “Down On Mission Street”, “Speedboat”, etc. Rien à jeter.