Rien à jeter
Il y a, enfin, le tube “Forest Fire”. Comme de la soul revue par un Ecossais, avec ce solo de guitare exceptionnellement sobre et mélodique. Un solo qu’on peut chanter (les bons solos sont ceux qu’on peut chanter ou siffler, le reste n’est que verbiage ou gamineries pentatoniques). L’album, parfaitement produit — il l’est toujours aujourd’hui — fut un succès critique et commercial retentissant à sa sortie en 1984, Lloyd Cole apparaissant comme l’un des nouveaux grands songwriters avec lesquels il allait désormais falloir compter. La suite, hélas, ne sera pas à la hauteur de ces espérances. Enivrée par le succès de “Rattlesnakes”, la maison de disques exigea un nouvel album plus commercial, et fissa. Les chansons n’étaient pas prêtes et le groupe non plus. Quand arriva “Easy Pieces”, quelque chose clochait. Outre la pochette hideuse (et comme le dit le dessinateur Floc’h, “lorsqu’ungroupecommence àavoirdespochettesmoches,la musiqueestgénéralementmauvaise”), les nouveaux maniérismes pénibles dans le chant de Cole, il semblait manquer un truc à ces chansons moins bonnes que celles de “Rattlesnakes”, mais pourtant plus que correctes... Le problème était simple : les Commotions s’étaient vu imposer Clive Langer et Alan Winstanley, producteurs des récents succès clinquants de Madness. Mais les Commotions n’étaient pas Madness, et l’emballage lisse et brillant de Winstanley et Langer ruina la profondeur qu’aurait pu avoir “Easy Pieces”, ainsi que ses quelques très bonnes chansons (“Why I Love Country Music”, “James”, “Perfect Blue”, “Minor Character”...). Il fallait aux Commotions un son boisé, chaud et intimiste, ce que tout le monde aimait dans “2cv” ou “Forest Fire”, au lieu de quoi, les deux producteurs aseptisèrent le tout, allant même jusqu’à ajouter des choeurs soul ultra ringards sur “Brand New Friend”. Malgré quelques éléments répétant la formule de “Rattlesnakes” (les violons d’Anne Dudley, l’accordéon, la guitare douze-cordes en arpèges...), “Easy Pieces” était décevant. Il se vendit néanmoins encore plus que son prédécesseur. Le cercle vicieux continua : après ce succès, il fallut un autre album, encore plus commercial. Cette fois, Lloyd Cole commit une erreur fatale en acceptant que l’album soit carrément produit par Ian Stanley, responsable de “Songs From The Big Chair” de Tears For Fears. On ne pouvait imaginer plus déplacé pour les Commotions. Sorti en 1987, “Mainstream” (l’ironie du titre ne pouvait pas tout sauver) était une catastrophe, dès les premières notes du lamentable single “My Bag”. Le reste était peu ou prou du même acabit : de la pop lisse eighties taillée pour la radio et MTV, et des chansons médiocres (dont un single auto-parodique, “Jennifer She Said”, un morceau cosigné avec le vil producteur, et un autre au titre infiniment embarrassant, “Sean Penn Blues”). Il n’y avait rien à sauver et Lloyd Cole, lucide, signa la fin des Commotions pour se lancer dans une carrière solo qui serait jalonnée de merveilleuses chansons nettement supérieures à celles qu’il avait pu lâcher durant les deux derniers tiers de sa carrière avec les Commotions. L’Ecossais avait fait le bon choix.