Rock & Folk

CARIBBEAN DANDEE

Heureuse nouvelle, JoeyStarr délaisse un temps sa fructueuse carrière d’acteur pour redonner des cordes vocales dans ce nouveau duo.

- RECUEILLI PAR OLIVIER CACHIN

Après “Egomaniac”, second solo sorti en 2011, on avait beaucoup vu le jaguar JoeyStarr au cinéma, dans des films allant de la comédie populo qui paie les impôts (“Les Seigneurs”, “Les Gorilles”) au polar made in France (“Colt 45”) en passant par la case auteur (“Une Autre Vie”). Mais question son, silence radio. Il a fallu attendre 2013 pour que le nouveau projet discograph­ique de la gorgone historique du rap français commence à prendre corps. C’est dans le studio du DJ toulousain Kimfu, situé à Paris rive gauche dans un showroom de la marque APC, que les enregistre­ments de l’aventure Caribbean Dandee ont débuté.

Passage épique

Voir JoeyStarr, 48 ans depuis le 27 octobre, éructer devant un micro dans le studio torse nu, ventre tatoué d’un scorpion géant, est une expérience aussi fascinante en 2015 qu’en 1990, quand il avait une autoroute sur la tête, un acolyte nommé Kool Shen et le désir ardent de niquer les mamans. Au fond, rien n’a vraiment bougé sinon les cheveux. Ainsi que le nom et l’âge du complice : c’est Nathy Boss, 25 ans, entendu alors qu’il était encore un gamin sur le single de Rohff “Le Son Qui Tue” en 2004 et devenu vétéran des sound systems, qui partage désormais le mic avec le jaguar Gorgone. Il a arpenté maintes fois les scènes avec Joey avant de devenir la moitié du projet Caribbean Dandee, dont l’album a été finalisé avec Mitch Olivier, producteur/ mixeur qui débuta avec Bashung et officia notamment sur “Play Blessures”. Mitch a apporté à l’album la touche de nitroglycé­rine sonore qui en fait une redoutable bombe à fragmentat­ions (13 fragments). De “Paris Par Nuit” à “31 Secondes” via l’adaptation de Bob Marley “Sun Is Shining” et le reggae blues thermonucl­éaire “How Long” (sur un tempo façon “I Put A Spell On You” de Screamin’ Jay Hawkins passé à la moulinette du dancehall), tout est dopé à la testostéro­ne. Du gros son, certes, mais qui n’oublie jamais l’émotion. L’incroyable titre incorporan­t la voix d’Edith Piaf, “L’Arène”, en est un des plus formidable­s exemples. Ce soir d’octobre, on réécoute une nouvelle fois les mix au studio Twin, en compagnie du duo Joey/ Nathy, du DJ R-Ash ainsi que des producteur­s Pone et Sulee B (qui réalisa jadis “Laisse Pas Traîner Ton Fils” pour NTM). Le son transperce les enceintes comme du Major Lazer francophon­e, solidement charpenté comme un bon rhum arrangé. Bouddha du mix tirant sur son cigare électroniq­ue avec un sourire entre ravissemen­t et épuisement, Mitch savoure le résultat de longs mois de travail. Entre l’album de LIM, rappeur fondateur du label Tous Illicites et chantre de la racaille dont il vient de finir l’album, et le projet Caribbean Dandee, il n’a guère chômé ces derniers mois. Joey vit le son, balance des chambrette­s à tout le monde (c’est la démocratie de la vanne qui tue), fait tourner la bouteille de Kraken (à consommer surtout sans modération). Il est content, et il y a de quoi. DJ Pone, lui, se souvient de son passage épique avec Joey et Nathy aux Vieilles Charrues, sur la prairie de Kerampuilh en juillet dernier : “Je suis rentré en premier face à 60 000 personnes et je n’ai pas tremblé : j’avais mon tank derrière moi !” Joey surenchéri­t et pense déjà à la vie de ce disque

majeur sur scène : “Sérieux, en plus il pleut ! Les gars, ça glisse ! C’est monté crescendo, j’ai senti que le truc était là dès la première date. Après il faut mieux mettre en place. Elisa, la photograph­e, me disait : ‘Ah vous avez une

énergie de ouf, donc forcément on se fait gruger !’ Même nous on le sent !” C’est clair, c’est le Réveil de la Force.

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