Ash vs Evil Dead
Octobre 1982.
Sitges en Espagne. Sam Raimi et son pote producteur Robert Tapert se pointent avec les bobines de leur “Evil Dead” sous le bras, tout contents qu’ils sont d’être projetés dans leur tout premier festival. On découvre ainsi en ce début d’automne estival le futur film culte absolu du cinéma d’horreur des eighties. L’accueil est dithyrambique et Sam Raimi devient instantanément une rock star. Le porte-parole absolu du gore outrancier et décomplexé. A tel point que même le diable le voudrait pour dieu ! En faisant la fiesta en sa compagnie, on s’aperçoit vite que le bonhomme est très branché sur l’humour zinzin. A tel point que, pince-sans-rire (c’est son style), il nous résume quelques gags outranciers qu’il verrait bien dans une éventuelle suite. “Aucasoù‘EvilDead’marcheensalles”, précise-t-il les yeux rêveurs. Et de nous détailler ainsi quelques gags gore (dont le fameux gobage d’yeux) que l’on retrouvera six ans après dans son “Evil Dead 2”. Car Raimi, comme il le confiait il y a 33 ans, est un dingue absolu de l’humour agressif. Particulièrement celui des Three Stooges, comiques destroy peu connus en France mais cultes aux Etats-Unis pour leurs célèbres confrontations sado-maso à base de pincements de chair et de coups de marteau sur le crâne. Raimi aime le sang, certes, mais dans une ambiance si possible potache. Après une longue parenthèse au service — entre autres — de blockbusters polis (ses “Spiderman”), d’un génial western leonesque (“Mort Ou Vif”) et d’un petit retour aux geysers de sang provos (“Jusqu’En Enfer”), il finit par entendre enfin l’appel des milliers de fans d’ “Evil Dead” à travers le monde qui le supplient de remettre le couvert. 23 ans après l’opus 3 (sorti aux Etats-Unis en février 1993), Raimi enclenche enfin le 4. Mais sous la forme d’une série télé puisque l’horreur — la vraie, la pure, la dure — se trouve désormais du côté des petites lucarnes. “American Horror Story” et “The Walking Dead” l’ont amplement prouvé. Coécrit avec son frère aîné Ivan Raimi (que l’on aperçoit dans “Evil Dead 1” et “... 3”) “Ash vs Evil Dead” est donc fabriqué sur la charte humour outrancier/geysersdesanghallucinés. Producteur de la série et réalisateur du pilote, Raimi insiste donc plus que jamais sur le gore cartoonesque à travers les péripéties sanglantes de Ash, toujours incarné par ce satané Bruce Campbell et qui, en vieillissant, a désormais la mâchoire presque aussi carrée que celles des frères Bogdanoff. Luttant contre les forces du mal qui investissent sa région, Ash — désormais accompagné d’un immigré sans papiers et d’une jeune paysanne sexy — ressort le canon scié et la tronçonneuse (greffée à la place de sa main droite) usités à foison dans chaque épisode. Les têtes volent, les tripes tombent, les corps s’explosent contre les murs, le pus suinte et la caméra, toujours speedée, vient se plaquer direct sur les visages effarés de ces combattants du démon. Sans oublier — histoire de satisfaire les fans de la première (cinéma) et deuxième (VHS) heure — tout le fétichisme qui se doit d’accompagner la marque “Evil Dead”. De l’indispensable “Livre Des Morts” qui réveille une fois encore les forces du mal jusqu’aux effets spéciaux old school en latex à la BO de Joseph LoDuca qui signait déjà celle du premier film. Tout fun qu’il soit, “Ash vs Evil Dead” ne retrouve quand même pas la poésie macabre des “Evil Dead” originaux. Faute à un tournage en vidéo — le grain de la pellicule manque pour accentuer la magie — mais aussi à beaucoup de séquences gore fignolées numériquement en post-production, histoire d’être plus efficaces dans leur côté cartoonesque mais également pour amoindrir les nombreux impacts horrifiques, la série se voulant être aussi comique que sanglante. Groovy, volontairement débile, gentiment distrayant, “Ash vs Evil Dead” est une vraie fête du sang et des intestins en balade tel qu’on la pratiquait sur les grands boulevards à l’époque du théâtre du Grand-Guignol.