Accélérer le mouvement
Le dessinateur Craoman et le graphiste Dav Guedin font partie de cette nouvelle vague de créateurs qui n’hésitent pas à aller sur le terrain pour recueillir les informations nécessaires. Les deux se sont fait connaître avec un comics qui racontait les tribulations de Guedin quand il travaillait comme animateur d’un groupe de handicapés dans le Nord de la France. Ce coup-ci, il met en scène les souvenirs d’un lointain colocataire ancien bonehead breton qu’il a un peu mélangé avec son expérience personnelle de lycéen provocateur époque adomaldanssa peau. Le résultat s’intitule (Label 619 - Ankama) et la représentation des méchants skinheads n’est pas sans rappeler une sorte de pendant maléfique du fantastique personnage de Zippy The Pinhead dû au crayon du talentueux Bill Griffith. Pour le reste, l’histoire est celle d’une rédemption attendue, mais les auteurs laissent un peu les lecteurs imaginer en filigrane le genre de fin sordide qui pend au nez de tous les ados qui se laisseraient embarquer dans ce genre de trip. La violence, c’est mal.
“Tattootoo” Clarke ayant fait ses premières armes dans Spirou, il ne reste plus qu’à espérer de son public habituel une maturité aussi soudaine qu’intéressante à lire. Avec (Le Lombard), l’auteur s’essaye au cocktail philosophie grecque old school (celle avec les dieux, le Parthénon avec un plafond, etc) mélangée à l’histoire de la Seconde Guerre mondiale jusqu’à nos jours. Il est ici question de déterminisme et de sens de l’histoire. Bref, cette BD plus que sympa sera l’éventuel outil qui aidera le lectorat a déterminer s’il veut faire d’un simple choix un enfer compliqué jusqu’à la fin de sa vie. Afin d’être le plus didactique possible, Clarke offre deux fins à l’histoire, chacune disponible dans deux tomes séparés : une est bien, pas l’autre. Au lecteur de déterminer la façon dont il souhaite clore l’intrigue. Excellent. Alors que Dillinger et la bande à Bonnot sont des sources d’inspiration en continu pour les scénaristes de tous poils, qu’en est-il pour tous les autres illégaux qui, eux aussi, ont terminé au bagne ou sont morts alors que leurs vies étaient tout aussi incroyables à raconter ? Heureusement, avec la sortie de
(chez Sarbacane), une partie de l’injustice qui leur est faite a été réparée grâce aux talents associés du scénariste Vincent Henry et de son neveu de dessinateur Gaël qui ont su magistralement raconter en famille le destin d’un cambrioleur encore plus drôle que Spaggiari et qui avait fait sienne la formule de Proudhon :“lapropriété,c’estlevol!” Dans cette version moderne, le lecteur appréciera un dessin plein de mouvement qui correspond bien au rythme de la narration ; ainsi qu’un allongement des nez façon commedia dell’arte ou Croquignol selon le degré comique des évènements chroniqués. Allez, prochaine étape, Louise Michel ! Au départ, quand cette mode d’albums à colorier pour adultes a été lancée, beaucoup n’y ont vu qu’une nouvelle idée marketing à la noix et sans lendemain. Que nenni ! l’initiative est définitivement aussi efficace que les antidépresseurs. Afin de contrer ce début d’année fort mortifère, le rocker féru d’histoire de sa musique préférée ira se procurer le hors-série Rock&Folk sur le psychédélisme puis, après lecture, ornementera de ses nouvelles connaissances l’intégralité du (Hugo & Cie) de Jean Solé, certainement le dessinateur national qui consomme autant de buvards que d’encre de Chine dès qu’il s’agit de travailler en écoutant Hendrix ou Hawkwind. Avec sa quarantaine de dessins dépliables, l’ouvrage risque d’occuper ses lecteurs dessinateurs pendant de très nombreux week-ends, à moins que ces derniers ne décident d’honorer Lemmy en avalant un tube de Méthédrine pour accélérer le mouvement.