Epic Soundtracks
Easy Action/ Rookwood (import Gibert Joseph) Inutile de chercher midi à quatorze heures pour le chef-d’oeuvre du mois, c’est ici que ça se passe...Lorsque, en 1993, Epic Soundtracks, né Kevin Paul Godfrey (frère de Nicholas Godfrey alias Nikki Sudden), jusqu’ici connu pour avoir participé aux Swell Maps, aux Jacobites et à These Immortal Souls, annonçait un premier album en solo coréalisé avec Lee Ranaldo, Kim Gordon, J Mascis, Rowland S Howard et Martin P Casey des Bad Seeds, le monde bâillait d’avance : encore un album bruitiste vaguement décadent sans la moindre chanson. Et pourtant... Contre toute attente, Epic Soundtracks sortait un chef-d’oeuvre de délicatesse et d’écriture, un album qui allait rapidement devenir légendaire, dans lequel il se montrait l’élève surdoué de ses maîtres inattendus : Jimmy Webb, Alex Chilton (surtout période troisième Big Star) ou Carole King, comme le soulignent les intéressantes notes de pochette. On voyait Soundtracks comme une sorte de héros mineur du post punk, on découvrait un classiciste immensément doué, un authentique gentleman britannique raffiné, et surtout, un songwriter de première catégorie. Les chansons défilant sur ce chef-d’oeuvre sont toutes, sans exception, d’une perfection à couper le souffle. Mais le talent de Soundtracks ne s’arrêtait pas là : il avait aussi des idées de production et d’arrangements grandioses. Il faut entendre comment sonne ce disque : piano, cordes, saxophone intelligent louvoyant hors des clichés (Anthony Thistlewaite, de la connexion Egyptians/ Waterboys) silences, crescendos, maîtrise du relief... J Mascis, curieusement, se révèle être un batteur très fin, les guitares, très discrètes, apparaissent puis disparaissent avec une finesse surprenante, tandis que la voix d’Epic évoque un Robyn Hitchcock débarrassé de ses obsessions barrettiennes, voire un Lloyd Cole sans les problèmes gastriques. Ce qui reste sans doute l’un des plus grands albums des années 90 ressort dans une belle version agrémentée de plusieurs démos désormais très touchantes : en 1997, Epic Soundtracks était retrouvé mort dans son appartement londonien. Son frère Nikki devait le rejoindre neuf ans plus tard. Au revoir les Jacobins.