Plus rock’n’roll que le juge ?
1977, le punk ravage le Royaume-Uni et l’éditeur 2000AD profite du chaos pour sortir des cartons à dessins Judge Dredd, le comics qui aura fait plus pour l’émancipation de l’anarchie dès la maternelle que tous les stupides discours des pacifistes sixties. En France, le premier à réagir est Métal Hurlant qui se cotisera pendant cinq ans pour s’offrir quelques planches de la série malheureusement prise en cours de route. Cependant, les lecteurs seront marqués à vie par la couverture du numéro 81 annonçant fièrement que le juge allait affronter les Bolchos. Quelques mois plus tard, on sait ce qu’il advint... Depuis, hormis quelques compilations, le culte n’était toujours pas rendu au dieu des super héros modernes. Aujourd’hui, l’offense est lavée par Delirium avec le superbe volume “Judge Dredd – Origines” qui reprend la saga dès le début avec John Wagner et Carlos Ezquerra, scénariste et dessinateur originaux flanqués des fidèles porte-plumes Kev Walker et Brian Bolland (pour la couverture). Auparavant, Judge Dredd, c’était bien, mais personne ne savait pourquoi c’était le bordel aux Etats-Unis, pourquoi Mega-City One et pourquoi les juges ? Aujourd’hui, même si cette histoire privilégie la distribution de gnons, il y a suffisamment d’explications données pour que les origines de Dredd deviennent enfin claires aux yeux des lecteurs. Plus rock’n’roll que le juge ? Impossible. Alors que la Corée du Nord monopolise l’attention internationale à coups de menaces plus ou moins nucléaires, son homologue du Sud est en train d’inonder le monde avec un phénomène musical prénommé K-Pop pour Korean Pop qui se répand à la vitesse grand V à travers Youtube et les réseaux sociaux. Pour mieux comprendre et expliquer l’étendue de ce phénomène, la dessinatrice Christelle Pécout s’est transformée en ethnologue, pour s’en aller croquer de la K-Pop à pleines dents afin d’en tirer “K-Shock” (Glénat), BD entre reportage et imagination où elle tente d’expliquer la chose à travers les trois années passées à l’observer sur place ou sur la toile. Curieusement, ce n’est pas l’histoire racontée par Pécout qui est la partie la plus intéressante de “K-Shock” mais les explications sociologiques liées à cette mode. De savoir si le héros va oui ou non faire carrière dans un boy band est inintéressant à souhait. En revanche, pourquoi les jeunes Coréens du Sud sont autant attirés par un phénomène aussi superficiel que manipulé par l’industrie du pognon facile, ça, c’est intéressant. Au final, un beau dessin qui fera oublier un précédent ouvrage sur Björk, passablement raté. La musique adoucit les moeurs et c’est exactement le sentiment que réussit à faire passer le dessinateur Alfonso Zapico avec “Café Budapest” (Steinkis) contant les tribulations d’un violoniste hongrois qui s’en va chercher gloire et fortune à Jérusalem suite à l’invitation d’un vieil oncle. Même s’il s’agit d’une oeuvre de fiction réalisée par un Espagnol, cette histoire bien ficelée sur les origines possibles du conflit israélo-palestinien se contente de présenter les choses d’une façon aussi détachée qu’exempte de toute forme de parti pris et c’est très reposant. Takashi Imashiro est un dessinateur japonais connu pour ses prises de position en faveur de l’écologie. Spectateur attentif sans pour autant rester passif face à la catastrophe de Fukushima, il s’essaye avec “Colère Nucléaire” (Editions Akata) à l’autothérapie façon neuvième art en transvasant l’authentique colère qu’il ressent intérieurement suite au tsunami de 2011 dans la psychologie plutôt explosive du personnage de papier qu’est son héros Satô. L’initiative est salutaire car, si le personnage principal est extrêmement colérique, il n’en est pas moins capable de juguler sa frustration et d’insuffler un peu de pensée constructive chez son alter ego 2D. Ce qui nous amène à classer cette BD dans la catégorie des mangas philosophiques tout en espérant qu’elle soit lue par les responsables politiques chargés de ce genre de problématique.