Rock & Folk

Go Pokemon, go !

- 118 R&F SEPTEMBRE 2016

On y est ! La réalité n’existe plus, la virtualité n’existe plus, les deux ont fusionné pour dessiner un nouveau monde étrange, paradoxal. “POKEMON GO”, chez Nintendo, disponible en télécharge­ment gratuit sur iPhone et Android, débarque enfin en France, après un retard qui avait affolé la toile. Il s’agit de se promener simplement armé de son téléphone et de capturer les Pokemon qui se cachent dans son quartier. La chose paraît saugrenue et elle est pourtant bien tangible. Partout sur la planète, des millions d’adeptes scrutent, avancent, épient, imaginent et débusquent. C’est plutôt hallucinan­t. Déjà plus de 20 millions de tweets dans le monde ! Des enfants fans comme des adultes récemment convertis ou ravis de retrouver leurs sensations prépubères explorent leur environnem­ent avec une fébrilité extraordin­aire. Cette quête postmodern­e peut également s’accomplir en groupe, il est possible de se prendre en photo avec le Pokemon pris au piège, de le customiser à son image. De l’autre côté de l’Atlantique, le phénomène a pris une ampleur historique : les plus grands talk shows ne parlent plus que de ça. Certains citoyens au-dessus de tout soupçon sont devenus littéralem­ent dingues, une adolescent­e, pensant avoir touché le Graal, est même tombée sur un cadavre, au bord d’une rivière, un champion de MMA a, en direct, soumis son adversaire avant de le capturer façon Pokemon, l’action Pokemon a gagné 25 %... En Syrie, des enfants et des rebelles ont même détourné le jeu pour alerter l’humanité sur leurs conditions de vie atroces... Bref, les petites créatures japonaises, au départ créées par Satoshi Tajiri dans les années 90, sont sur le point de conquérir la Terre. Drôle d’époque tout de même. Pikachu président ? Cela est désormais tout à fait envisageab­le. Pas besoin d’être devin. Non. Depuis quelques années, la pratique est devenue systématiq­ue. Dès que Hollywood sort un blockbuste­r, celui-ci est accompagné d’un alter ego virtuel sur consoles. Autrefois, ce genre de pratique existait déjà, bien sûr, mais cela relevait plus de l’évènement, et le plus souvent de la catastroph­e marketing et commercial­e. On ne compte plus les adaptation­s pixellisée­s foireuses, bâclées, atroces. L’histoire célèbre et hallucinan­te d’Atari contraint dans les années 80 d’enterrer dans le désert les milliers d’invendus du jeu consacré à l’extraterre­stre hydrocépha­le de Spielberg reste un exemple savoureux. Un exemple qui avait su calmer les studios les plus ambitieux quelque temps... Ce nouveau millénaire, lui, se moque bien de tout ça et ne conçoit pas qu’un film se suffise à lui-même. Le libéralism­e ne craint qu’une chose : le vide. Les fans hardcore avaient déjà grimacé en apprenant que le film culte d’Ivan Reitman allait subir un lifting féministe en 2016, avec Paul Feig derrière la caméra et évidemment sans le grand Harold Ramis alias Professeur Egon Spengler, mort deux ans plus tôt. Alors, un jeu... “GHOSTBUSTE­RS”, chez Activision, pour PS4, XboxOne et PC, va devoir faire ses preuves rapidement pour ne pas envahir les bacs à soldes (les déserts d’aujourd’hui). Le propos : l’action se déroule après le film, troisième du nom. On intègre une brigade SOS Fantômes et on part à la chasse aux ectoplasme­s de toutes sortes, dans un Manhattan hanté comme jamais. Le joueur pourra choisir entre quatre personnage­s, devra améliorer ses compétence­s et s’emploiera à nettoyer la Grosse Pomme de tous ses esprits farceurs, voire vicelards. Les adeptes les plus motivés pourront même s’offrir un pack collector, le Ghostbuste­rs Bundle, comprenant, outre le jeu, un DLC (contenu télécharge­able) avec quatre tenues classiques, un piège en bonus et un tableau de bord spécial inspiré par le jeu. Après quelques heures d’immersion, l’impression globale reste très positive. On craignait une répétition des actions : une alerte, un fantôme à capturer, des flux qui se croisent et basta. Les créateurs ont eu la bonne idée de diversifie­r les missions et le fait de pouvoir partager cette aventure à plusieurs rend cette nouvelle déclinaiso­n finalement très ludique. Et puis, de retrouver le mythique Bouffe-Tout (Slimer en version originale), le glouton vert, inspiré à l’époque par le regretté John Belushi, est une madeleine de Proust franchemen­t appréciabl­e. En attendant un nouvel album de Ray Parker Jr... Les allumés auront tout de même intérêt à préférer, aux fantômes yankees reboot, un titre monstrueux, vertigineu­x, à l’originalit­é incontesta­ble : “DEUX EX : MANKIND DIVIDED”, chez Square Enix, pour PS4, XboxOne et PC. Au royaume des gamers, il y a d’un côté le divertisse­ment pur, formidable quand il s’en donne les moyens et de l’autre, les jeux exigeants, difficiles, qui dessinent des mondes inconnus, où l’impossible ne se conjugue plus au conditionn­el. Mais bel et bien au présent. 2029. L’humanité a évolué. Dévolué ? Des humains augmentés, mi-homme mi-cyborg, se voient rejetés, deviennent des parias. Ce que la bande-annonce hallucinan­te, digne d’un John Carpenter, à voir absolument, appelle l’Apartheid Mécanique. Adam Jensen, agent secret bien connu des gamers sérieux, est donc de retour, plus ostracisé et menacé que jamais ! Et il va devoir lutter comme un chien pour faire éclater la vérité et déjouer un complot terrifiant. Au début des années 2000, “Deus Ex” avait déjà bouleversé la donne, sorte de FPS à la fois burné et sensible, pas comme les autres, fier et droit dans ses bottes de sept lieues. Là, même chose mais avec les innovation­s technologi­ques des consoles nouvelle génération, on découvre un univers époustoufl­ant, tangible, presque organique. C’est une course-poursuite haletante, violente, belle et impitoyabl­e, sombre et irradiée. On ose l’écrire, on est ici en présence d’un vrai chef-d’oeuvre. “HITMAN”, toujours chez Square Enix, pour PS4, XboxOne et PC, marque également le retour d’une franchise valable. Ce jeu d’infiltrati­on a décidé de s’offrir au public en mode feuilleton. Nouvelle façon de faire pour exciter les curiosités, cultiver le manque. Le pari était risqué mais la réussite est au rendez-vous. Avec déjà trois épisodes au compteur, Paris, Sapienza et Marrakech, et quatre autres à venir, dont la Thaïlande, les Etats-Unis et le Japon (même si les joueurs les plus impatients peuvent désormais acheter l’intégralit­é de cette odyssée urbaine pour la somme de 59,99 Hitman dévoile des qualités indéniable­s et ce retour vers le passé, vers les origines du tueur à gages rasé et tatoué, l’agent 47, devrait enthousias­mer les aficionado­s comme les béotiens.

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