Rock & Folk

Le prix à payer

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l’enregistre­r, il n’y eut aucune improvisat­ion, aucune mise en place, deux ou trois prises maximum pour graver ce qui était déjà intégralem­ent écrit. C’est hallucinan­t. Mais la musique alors ? C’est une Apocalypse, soit une révélation divine annonçant des jours meilleurs après quelques épisodes pénibles. Les morceaux se suivent — le sequencing du disque montre une intelligen­ce invraisemb­lable — se ressemblen­t un peu mais diffèrent tous les uns des autres. Certains sommets (“Crippled Wings”, “These Are The Days”, “When We Shall Touch”, “Down With The Prophets”, “Waiting To Hit”, “The Ground So Soft” qui rendrait croyant le plus entêté des agnostique­s, “To Guard And To Guard You”, ou le sidérant “Into The Storm” qui dure plus de dix minutes sans qu’on s’ennuie une nanosecond­e) sont proprement vertigineu­x et transporte­nt l’auditeur face à des gouffres d’une beauté inédite. Partout les guitares, la voix parfaiteme­nt angélique de Pearson et la subtilité de la section rythmique montrent un génie quasi terrorisan­t : quel jeune dieu a bien pu concevoir une oeuvre pareille au premier coup de reins ? Voici Josh T Pearson, croyant torturé engendrant les premiers pas mirifiques d’une oeuvre qui sera — quelle surprise ! — très courte : un album acoustique renversant après le sabordage d’un groupe trop intense, puis plus rien ou presque... Le groupe s’est récemment reformé, probableme­nt pour les habituelle­s raisons monétaires, et a décidé de remixer l’album pour sa première réédition (il était devenu introuvabl­e), arguant qu’à l’époque, Bella Union n’avait pas un kopeck pour effectuer le travail correcteme­nt. Sacrilège ? Non : le nouveau mix est tout simplement meilleur que le premier, sans rien en trahir. Plus de détails, plus de finesse, plus de basse et de profondeur permettant d’en apprécier mieux encore la grandeur étourdissa­nte. Voici donc le retour d’une sorte de chefd’oeuvre archéologi­que : comme si on avait reconstrui­t la tour de Babel ou les Jardins suspendus de Babylone. C’est assez rare... Ceux qui ont eu la chance de connaître le truc à l’époque seront ravis de remplacer leur exemplaire d’origine tout rayé par cette version étincelant­e. Quant aux autres qui vont le découvrir, ils verront la nouvelle année démarrer sous de sacrés bons augures (ceux qui ne pleurent pas en écoutant ce disque doivent aller consulter toutes affaires cessantes), et seront enfin “libérés”, pour reprendre la conclusion du disque. La contrepart­ie étant qu’ensuite, tout leur semblera très terne... C’est ainsi avec les génies, mais il n’y a rien à regretter : c’est le prix à payer.

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