Rock & Folk

VIRÉ DES CURE

"UN SOIR DE 1989, LE BATTEUR LOL TOLHURST REÇOIT UNE LETTRE DE ROBERT SMITH..."

- RECUEILLI PAR JEROME REIJASSE

Cure. Ou The Cure. Au choix. Un groupe. Un groupe, anglais, pas comme les autres. Ceux nés après la mort de Kurt Cobain ne peuvent simplement pas comprendre ce que la bande à Robert Smith a représenté pour des millions de fans au coeur des années 80. Au moins cinq albums obligatoir­es, dont “Pornograph­y”, en 1982, qui a influencé plusieurs génération­s, de la pop au hardcore, du metal au hip hop. Un style inclassabl­e. Ecouter Cure, c’est plonger dans l’inconnu. C’est peut-être le seul groupe à n’appartenir à aucune famille. On a parlé de new wave, de cold wave, les formules étaient creuses, loin du compte. Cure est Cure et rien d’autre. Capable d’écrire une chanson à la noirceur définitive et une pop song aérienne et à la naïveté improbable sur le même album. Cure aimait Bowie, Captain Beefheart, Wire, les Stranglers, Hendrix, Nick Drake et ça ne s’entend même pas. Jamais !

Dépasser le culte

En 1985, quand Cure squatte le haut des charts du monde entier, c’est aussi l’époque des clans. On est Cure, on est Depeche Mode, on est rock alternatif, on est hard rock, on est skinhead et on ne se mélange pas. Succession de petites chapelles, de guerres de clochers riquiqui, d’intoléranc­e de cour de récréation. Mais on existe en choisissan­t son camp. Celui de Cure impose la sape sombre, les cheveux crêpés, le noir à lèvres, le spleen, une certaine arrogance salutaire également. En 2017, c’est presque étrange. Robert Smith respire encore. Il donne avec le groupe des concerts quand il le désire. Toujours ces mêmes performanc­es fleuves, trois heures d’une messe qui noircit encore les salles tout autour du globe. Les albums se font plus rares et ce n’est pas plus mal. Depuis le “Disintegra­tion” de 1989, dernier disque formidable, les muses sont allées voir ailleurs. Pourtant, la flamme brûle encore. Les vieux corbeaux, chauves ou gras ou enrichis, se déplacent à chaque apparition de la formation née à Crawley, à la fin des années 70. Les plus jeunes aussi. Cure existe sans faire d’effort.Le groupe a marqué si profondéme­nt l’histoire du rock et l’existence des gens qu’il n’a même plus besoin de nouvelles chansons. Il est un fantôme bienvenu, un souvenir qui se conjugue au présent, une légende à la portée de tous. Lol Tolhurst était là au tout début. Ami d’enfance de Smith, premier batteur puis clavier avant de se faire lourder pour alcoolisme, il est le premier Cure à écrire sur Cure. Des bouquins sur le phénomène curiste, il y en a eu des centaines, la majorité étant trop pompeux ou trop révérencie­ux pour être véritablem­ent crédibles. Mais là, ce n’est pas pareil. Tolhurst (se) raconte et en profite pour plonger au coeur de l’intimité d’un des groupes les plus indéchiffr­ables du siècle dernier. Psychanaly­se sans fard, suite d’anecdotes impeccable­s (Robert enregistre “Pornograph­y” avec la guitare de Page, celle qui a accouché de “Stairway To Heaven” ; Cure qui, avant d’opter pour le tout noir, se fringuait tout en blanc, etc), histoire d’une amitié et d’une perdition, d’une rédemption aussi, évidemment, ce livre comble un vide et humanise un mythe. Il dévoile aussi quelques notes d’humour à froid jubilatoir­es, permettant de dépasser le culte voué à Smith par ses fans les plus intolérant­s. Il offre encore quelques pages déchirante­s, où la réalité l’emporte sur les clichés, quand l’homme ne peut plus tricher et doit affronter le pire s’il souhaite vivre encore. Tolhurst, amoureux déclaré de la France, est à l’heure dans cet hôtel sans âge en face de la Gare du Nord. Il n’a pas changé tant que ça. Il parle sans jamais rien fuir. Il cite aussi bien “Spinal Tap” que Henry Rollins de Black Flag, il remonte le temps sans se presser, sans aigreur, sans haine. Ce soir, il va jouer les DJ dans la capitale française. En attendant, il parle à Rock&Folk. Lol Tolhurst : “C’est pour Rock&Folk ? Je connais votre magazine et depuis longtemps ! Vous êtes les seuls à avoir survécu, c’est bien ça ?” On peut le dire comme ça...

ROCK & FOLK : Première question, Lol : Vous êtes né le jour de la mort de Buddy Holly. Y voyez-vous comme un signe ? Lol Tolhurst : J’ai essayé d’établir une connexion (rires). L’un s’en va et un autre arrive... Mais je ne sais pas si c’est bien crédible tout ça (rires)...

R&F : Avez-vous envoyé votre livre à Robert Smith ?

Lol Tolhurst : Oui, bien sûr, j’ai donné le tout premier exemplaire à Robert. Avant la publicatio­n. Pas pour obtenir son accord, je voulais juste être complèteme­nt transparen­t. J’ai décidé d’écrire ce livre en 2013. A l’époque, j’étais allé avec ma femme à Hawaï pour voir les Cure jouer là-bas, pour la première fois. Et c’est là que j’ai dit à Robert que j’allais écrire un livre. Et quand je m’y suis mis, je lui envoyais régulièrem­ent les chapitres. C’était la meilleure façon d’éviter le moindre problème. Quant à Simon (Gallup, le second bassiste historique), je ne sais pas s’il l’a lu mais il m’a dit qu’il était ravi que je l’écrive, que c’était une très bonne idée...

R&F : A vous lire, on devine que la batterie, dans votre vie, relève presque de l’accident...

Lol Tolhurst : Ouais, probableme­nt. Et c’est pour la même raison que Michael Dempsey est devenu le bassiste. Parce qu’il jouait déjà de la guitare. Quand on commence, on doit parfois faire un choix par défaut. Mais j’ai appris à aimer ça.

R&F : “Cured”, votre livre, est-il avant tout une forme de catharsis ?

Lol Tolhurst : Absolument ! Il fallait que je le fasse. Il y a souvent de jeunes musiciens qui me posent des questions. Je leur dis que s’ils font ce métier pour l’argent, le succès, les filles, ils se trompent. Il faut le faire parce que c’est plus fort que soi, parce qu’on ne peut pas ne pas le faire. Et ce livre, je ne pouvais pas ne pas l’écrire. Je voulais en premier lieu m’expliquer ma vie à moi-même. Les Cure, ma relation avec Robert, sont comme une colonne vertébrale dans le livre, sur laquelle j’ai pu accrocher mes sentiments.

R&F : Une chose très frappante c’est que, malgré la souffrance, les addictions, vous n’êtes jamais aigri, jamais en mode vengeance. Pourtant, vous avez traversé des épreuves, comme ce procès terrible qui vous opposera au groupe après votre éviction. La seule personne que vous n’épargnez pas, c’est vous finalement...

Lol Tolhurst : Je voulais être honnête, ne pas tricher sur ce que j’ai pu ressentir et faire. Mais il y a certaines choses que j’aurais pu écrire et que j’ai choisi d’ignorer parce qu’elles ne m’auraient pas permis d’aller mieux. Et puis, les livres de règlements de compte, très peu pour moi. J’ai lu l’autobiogra­phie de Morrissey. La première partie où il raconte sa jeunesse à Manchester est formidable mais ensuite, il ne fait que déverser sa haine sur ses anciens amis, c’est ennuyeux et pénible. Moi, je suis resté en contact avec tous mes amis d’enfance et d’adolescenc­e : Robert, Simon, Porl, Michael... Et je ressens encore beaucoup d’amour pour chacun d’eux. C’est aussi ce que je voulais dire dans ce livre.

R&F : Mais pour y parvenir, il vous a fallu traverser des années très difficiles, où l’alcool a tout emporté. Et vous rendre jusqu’à la Vallée de la Mort. Cette scène du livre est presque mystique : vous croisez dans ce motel pourri en plein coeur du désert un vieillard à qui vous racontez votre vie et d’un simple geste de la main, d’une seule phrase, il vous permet de passer enfin à autre chose, de pardonner aux autres comme à vous-même... Lol Tolhurst : C’est toujours la même histoire en fait : traverser les cercles de l’enfer pour pouvoir enfin prétendre à une certaine sagesse. Même si je ne prétends pas être particuliè­rement sage aujourd’hui (rires). L’alcool m’a bien sûr fait beaucoup de mal. Mais j’ai gagné, j’ai survécu, je suis là. Même physiqueme­nt, je n’ai pas de séquelle, j’ai eu beaucoup de chance de ne pas détruire mon corps. Mais ce vieil homme dans le désert, il était comme un ange, n’est-ce pas ? Comme un esprit...

R&F : C’est encore un livre sur le père. Il y a le vôtre, alcoolique et distant, et Robert, un ami, un frère mais également un père de substituti­on. On pourrait presque parler d’une lettre d’amour envoyée à Robert, non ?

Lol Tolhurst : Un père, un père, oui, c’est évident... Et une lettre d’amour à Robert, oui, oui... Le danger de vieillir, c’est de devenir cynique, de laisser la vie nous avaler. Je ne voulais pas de ça. Je voulais être décent, je voulais dire la vérité, je ne voulais pas laisser les pensées les plus atroces prendre le dessus... L’un de mes frères, qui vit en Australie, est cycliste, il traverse le monde à vélo. Je ne lui avais pas dit que j’écrivais ce livre. Il était il y a quelques mois en Iran, tout seul avec son vélo. A l’aéroport de Londres, alors qu’il s’apprêtait à rentrer chez lui, il tombe sur mon livre dans une boutique. Il l’a acheté et lu dans l’avion. Et il m’a écrit la plus belle lettre qu’un homme puisse écrire à son frère. Il a ressenti la même chose que moi. Et d’une certaine façon, il avait pardonné à notre père, comme moi. Notre père était alcoolique, certes. Il travaillai­t, rapportait de l’argent, assez pour qu’on soit habillés, nourris, logés. C’était sa seule marque d’amour... Le père de Robert, lui, était totalement différent. Il était présent, aimant, à l’écoute. Et il demande toujours de mes nouvelles à Robert.

Du jogging en Australie

R&F : On a relu l’article de Rock&Folk consacré à Cure pour la sortie de “Disintegra­tion” en 1989. Il y a un vrai décalage entre votre livre, avec votre volonté d’épargner vos amis, et ce que disaient Robert et Simon à l’époque. Ils se montrent très durs envers vous, presque impitoyabl­es...

Lol Tolhurst : Comment pourrais-je répondre à ça ? J’en ai parlé avec eux. Simon m’a dit qu’il aurait aimé être plus attentif, plus gentil à l’époque. Ils se sont amendés depuis, lui et Robert... Mais c’est bien ça le problème avec l’alcoolisme : il n’affecte pas seulement celui qui y succombe mais aussi tout ce qui l’entoure. L’alcool contamine tout, absolument tout. Porl a essayé de m’aider, Robert un peu aussi mais c’était une période, de toute façon, où plus personne ne pouvait véritablem­ent faire quelque chose. Je n’écoutais plus. J’ai lu récemment un truc sur les Clash où Joe Strummer disait que

“Trop fort, trop intense, trop violent”

“Robert adore construire quelque chose avant de le détruire”

s’il avait su ce qu’il se passait vraiment avec Topper Headon, il aurait agi différemme­nt. C’est la vérité. A l’époque, même moi je n’avais pas conscience de ce qui déconnait chez moi. Un groupe vit dans une bulle, où tout est modifié. Il est alors très difficile de voir les choses telles qu’elles sont...

R&F : Vous reproduise­z dans le livre la lettre que Robert vous a envoyée pour vous signifier la fin de l’aventure en 1989. C’est un passage vraiment terrible...

Lol Tolhurst : Oui mais j’ai compris aujourd’hui que cette lettre avait aussi été écrite avec beaucoup d’amour. Il aurait pu y mettre bien moins de forme, aller droit au but et passer à autre chose. Ce n’est pas ce qu’il a fait...

R&F : Le punk, même si votre musique s’en est éloignée assez rapidement, a été le point de départ, une façon de fuir l’ennui de Crawley, la ville où les Cure ont vu le jour...

Lol Tolhurst : Oui, le punk, pour nous, c’était avant tout une attitude. Le punk a été primordial pour nous. Avant ça, on avait l’impression de ne pas avoir le droit de faire de musique. Le punk a été la solution, la porte qui s’ouvrait, la sortie de secours ! Nous n’étions pas à Londres, ce n’est pas la mode qui nous a attirés. Mais l’esprit, l’âme du punk. Ses possibilit­és. Crawley, c’était l’ennui, oui, l’assurance de passer sa vie avec un boulot merdique, des soirées merdiques dans un pub et puis mourir.

R&F : Au début du livre, il y a cette anecdote incroyable de Robert et vous affrontant des skinheads. On a du mal à imaginer les Cure en pleine baston de rue... Lol Tolhurst : C’est vraiment arrivé. Porl Thompson (guitariste de Cure), qui vit désormais pas loin de chez moi en Californie, m’en a reparlé il y a quelques mois. Là où l’on a grandi, c’était très violent. On s’habillait différemme­nt. On nous traitait de pédales. Et les gens ne mettaient pas longtemps à nous provoquer, à nous chercher des embrouille­s. Nous n’étions pas violents mais nous devions survivre. Robert agaçait avec son look décalé. Et cette nuit-là, je m’en souviens comme si c’était hier. Quand Robert a balancé à la tronche des skinheads sa pinte, ce qui nous a permis de prendre la fuite. Dans le livre, je dis aussi que Robert et moi avons fait du jogging en Australie et je suis persuadé que les fans ont aussi du mal à l’imaginer (rires). Robert aimait aussi jouer au foot à l’époque...

D’où vient ce décorum

R&F : Lors de votre tout premier concert en 1976, vous reprenez le “Jailbreak” de Thin Lizzy. Ça aussi, pour un fan des Cure, c’est plutôt surprenant...

Lol Tolhurst : On aimait cette chanson et on n’avait pas assez de titres pour assurer un set entier. Et on pensait que les gens n’aimeraient pas nos chansons de toute façon. On voulait que les gens s’intéressen­t à nous. Mais on a très vite imposé notre musique...

R&F : Vous écrivez aussi que votre amitié avec Robert doit beaucoup à Jimi Hendrix, dont vous aviez d’ailleurs repris le “Foxy Lady” sur votre premier album...

Lol Tolhurst : Oui, c’est vrai. Cela dit, avec Robert, on s’est rencontrés quand on avait cinq ans et, pour être tout à fait honnête, on ne parlait pas de Jimi à cette époque (rires). On a dû attendre quelques années... Mais c’était le musicien qu’on adorait tous les deux. J’avais cet immense poster juste au-dessus de mon lit. Je dormais avec Jimi Hendrix audessus de moi toutes les nuits.

R&F : Et il y a la fameuse pochette de votre premier album “Three Imaginary Boys”, avec un réfrigérat­eur, un aspirateur et une lampe, censés représente­r les trois Cure, qu’en fait, vous n’aviez pas choisie, qu’on vous a imposée... Lol Tolhurst : Oui, on n’avait rien à voir avec ça. C’est Chris Parry (fondateur du label Fiction) qui avait décidé à notre place. C’est vrai, Chris Parry est sans doute celui que j’épargne le moins dans le livre. Je ne l’ai pas revu depuis des années.

R&F : Vous avez également pissé sur la jambe de Billy Idol ?

Lol Tolhurst : Ouais (rires). Je ne sais pas si j’en suis fier. Honnêtemen­t, c’est plutôt un bon gars en plus. Quand je le croise, ça m’arrive, je n’en parle pas. Je me demande bien pourquoi (rires)...

R&F : Vous parlez à plusieurs reprises de votre sexe dans le livre... Lol Tolhurst : Ouais, comme la plupart des mecs (rires).

R&F : Lol, si vous êtes d’accord, réécrivons l’histoire. Pour beaucoup de fans des Cure, “Disintegra­tion” est le dernier grand disque du groupe. La suite est quand même médiocre ou anecdotiqu­e. C’est aussi le disque qui marque votre départ. Pourrait-on en déduire que Cure sans Lol n’est plus Cure (rires) ? Lol Tolhurst : Non, je refuse de rentrer là-dedans... La seule chose que je pourrais dire, c’est que les groupes ont tous une alchimie. Et si cette alchimie est altérée, il arrive parfois que le groupe en pâtisse (rires). Je ne sais pas. C’est dur pour moi d’être rationnel avec ce genre d’interrogat­ions...

R&F : Pour être plus sérieux, les fans pensent que Cure, c’est Robert Smith, point barre...

Lol Tolhurst : Oui, peut-être. Et peut-être aussi que l’évidence se situe encore ailleurs... Il en est en tout cas la voix, le leader, l’identité, sans le moindre doute.

R&F : Si l’on parle d’identité, Cure, c’est avant tout le cheveu hirsute, crêpé. D’où vient ce décorum ? Que vous avez toujours eu du mal à adopter à cause de vos cheveux bouclés (rires)...

Lol Tolhurst : Ce look capillaire était un mélange de différente­s choses. Un mélange de punk et des poètes romantique­s français du 19e siècle. C’est venu de ça. Oh, j’ai essayé de nombreuses fois de me crêper les cheveux mais c’était un combat perdu d’avance (rires)...

R&F : Jusqu’à ce concert à Orange en 1986 immortalis­é par le réalisateu­r Tim Pope où Simon arrache la perruque de Robert quand il arrive sur scène, dévoilant une coupe en brosse et précipitan­t des millions de fans dans les abysses du doute (rires)...

Lol Tolhurst : Mais le message était quand même assez puissant, non ? Cure ne veut pas de clones, Cure aime les identités qui s’affirment. Robert a toujours été comme ça. Il adore construire quelque chose avant de le détruire. C’est aussi une façon de ne pas être adoré, de ne pas s’oublier dans le grandiose. C’était une question d’amour propre. Evoluer, n’être que soi-même... La célébrité est une épée à double tranchant. Il faut apprendre à s’en préserver. Et ça, je ne l’ai appris qu’en quittant le groupe.

R&F : Vous évoquez furtivemen­t Indochine. A l’époque, vous chantez chez Drucker, à Champs-Elysées, vêtus de robes. Une rumeur disait alors que vous aviez fait ça pour voir si Indochine, programmé dans une prochaine émission, allait faire de même, c’est vrai ? Lol Tolhurst (rires) : Je ne m’en souviens pas mais ça aurait été une bonne idée, hein ? Indochine était très populaire à l’époque. Toujours aujourd’hui ? Ah bon ? Je ne sais pas si Indochine était le Cure français mais Indochine pensait l’être en tout cas (rires)...

Le jour fatidique

R&F : S’il y a un disque qui symbolise le groupe, qui l’inscrit au panthéon du rock, c’est “Pornograph­y”. Vous écrivez qu’il vient de l’agressivit­é, de la violence...

Lol Tolhurst : Il vient aussi de la démence. Ça faisait longtemps qu’on était sur les routes. On consommait trop de tout. Pour moi, c’est l’un des deux meilleurs albums du groupe. Dans cette formule à trois, on ne pouvait pas faire mieux. C’est l’apogée, le pinacle. Et après un disque comme ça, on est obligé de changer de direction. C’était trop fort, trop intense, trop violent.

R&F : Robert Plant a déclaré que Cure était le dernier grand groupe de rock anglais...

Lol Tolhurst : Il l’a dit quand Porl Thompson est allé jouer avec eux. Ils ont même repris “Lullaby” sur scène... C’est gentil de sa part et je pense que c’est vrai (rires). Parce que je n’ai vu personne prendre la place depuis (rires)...

R&F : Avez-vous des regrets ?

Lol Tolhurst : Non, je suis comme Edith Piaf, je ne regrette rien. Et je pense que si j’étais resté dans le groupe, je ne serais plus là pour en parler aujourd’hui. J’en suis convaincu. Et je ne cherche pas ici à être désespérém­ent mélodramat­ique (sourire). Si j’étais resté un ou deux ans de plus, je serai mort... Et l’Amérique m’a sauvé aussi. Si j’étais resté en Angleterre, la tristesse ne m’aurait jamais quitté. Le soleil californie­n a joué son rôle...

R&F : Lol, si on vous dit que vous êtes quelque part le Ringo Starr de la new wave, comment réagissez-vous ? Lol Tolhurst : Je ne sais pas si je suis Ringo... Je ne sais pas. Mais ça reste flatteur d’une certaine façon... Ringo ne sera jamais oublié.

R&F : Quelle chanson souhaiteri­ez-vous entendre à votre enterremen­t ? Une de Cure ?

Lol Tolhurst : C’est marrant que vous me demandiez ça parce qu’on en discutait l’autre jour avec mon fils. Il me disait que je devrais joindre à mon testament une playlist, qu’il sache quelle musique passer le jour fatidique. Je lui ai promis de m’en occuper mais pas tout de suite (rires). Si ça devait être une chanson de Cure, ce serait “Piggy In The Mirror”. Mais il y a aussi une chanson que j’adore de Tom Waits, “Tango Till They’re Sore”.

R&F : Dernière question. Vous avez rejoint Cure sur scène pour la tournée Reflection­s en 2011. Peut-on espérer un jour voir le groupe réuni, comme à la grande époque, avec Lol Tolhurst présent sur scène mais aussi à la compositio­n pour un nouvel album ?

Lol Tolhurst : Moi, je vois les choses comme ça. La semaine prochaine, je vais avoir 58 ans. Avec un peu de chance, il me reste quoi, 20, 30 ans à vivre. Et aujourd’hui, tout est possible. Et si c’est la bonne chose à faire, je répondrai présent. L’idéal, ce serait de faire ensemble le disque ultime de Cure. Le dernier des derniers. Je ne sais pas si ça arrivera un jour...

Livre “Cured : Two Imaginary Boys” (Le Mot Et Le Reste)

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1986, sur le plateau de Champs-Elysées
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