Timber Timbre
CITYSLANG Sur cinq albums, Timber Timbre a pu se réclamer de Lee Hazlewood sans qu’on crie au mytho. Seul problème : songwriters surdoués, les Canadiens restaient trop passéistes. Pourquoi refaire du David Ackles avec un siècle de retard ? Timber Timbre a bien tenté sur ses derniers disques quelques expérimentations, mais c’est “Sincerely, Future Pollution” qui les éloigne définitivement de la taxidermie. Les racines restent les mêmes, blues, folk, country, mais l’emballage devient résolument technologique. Ce n’est pas non plus comme si Timber Timbre plongeait dans l’inconnu : Bob Dylan (avec “Series Of Dreams”), Leonard Cohen (“I’m Your Man”), Neil Young (“Trans”), Lou Reed (“Growing Up in Public”), Dire Straits (“Brothers In Arms”), pas mal d’ancêtres se sont confrontés avec succès à l’électronique. Ces disques sont les références de “Sincerely, Future Pollution”, les modèles de cette scène americana synthétique qui regroupe Jim White, War On Drugs, Kurt Vile, Los Colognes... Rayon songwriting, le niveau reste ici impressionnant (surtout “Moments”, mais aussi “Western Questions”, “Velvet Gloves & Spit”, “Grifting”), et en plus, l’inventive production apporte un souffle carrément neuf. Les banjos ont définitivement été troqués contre des synthés, on n’est plus dans “Delivrance” mais dans “The Neon Demon”. Fini le naturalisme, l’ambiance bottes de foin, place à une atmosphère ultra-stylisée. Timber Timbre abandonne l’éclairage au bec de gaz, passant aux néons bleus, pour un album rétro-futuriste qui se joue des paradoxes : roots et postmoderne, tamisé mais incandescent. Eblouissant. Seuls les nécrophiles pourront s’en plaindre. ✪✪✪✪ BENOIT SABATIER