Free Fire
DE BENWHEATLEY
Le cinéma de genre à petit budget, on le sait, a tendance désormais à sortir directement en VOD ou sur Netflix. Car il n’est pas facile aujourd’hui de faire exister en salles de simples petits polars B où les gunfights salés et la transpiration poivrée prennent le pas sur les effets numériques sans saveur ni odeur. Tout récemment, le Français Eric Valette et le Belge Fabrice Du Welz y sont parvenus avec “Le Serpent Aux Mille Coupures” et “Message From The King”. Avec, hélas, peu de spectateurs en fin d’exploitation. Qu’en sera-t-il alors de Ben Wheatley ? Car “Free Fire”, tout énergique soit-il, n’a aucun message particulier à faire passer, si ce n’est celui de l’amusement old school. On a découvert ce cinéaste britannique et pince-sans-rire il y a cinq ans avec son formidable “Kill List”, ovni filmique sautillant joyeusement d’un genre à l’autre avec une aisance remarquable. Avec des détours vers la comédie de moeurs, le polar glauque, l’horreur païenne ancestrale. Un vrai trip cinématographique où Wheatley rendait hommage au passage à quelques films cultes des années 70, de “Get Carter”, polar teigneux avec Michael Caine à “The Wicker Man”, délire d’épouvante tribale. Malgré le bon accueil critique de son “Kill List”, Wheatley ne s’est pas reposé sur ses lauriers. Car quel est le point commun entre ce film et ceux qui suivirent ? “Touristes”, trip sociétal à l’humour noir ravageur rappelant en biais le ton de la comédie italienne, le bizarrement sensoriel “English Revolution” où des déserteurs et un alchimiste zazou sont persécutés par une force maudite dans l’Angleterre du 17e siècle et le petit dernier (sorti l’année dernière), l’invraisemblable “High Rise”, fable rétro-futuriste un peu absconse, adaptée d’un roman de JG Ballard et rendue plus enivrante encore par la bande son étrange de Clint Mansell que par son filmage un peu frimeur. Avec “High Rise”, Ben Wheatley avait d’ailleurs énervé une partie de ses fans de la première heure qui voyaient-là leur réalisateur fétiche suivre une carrière déclinante à la Abel Ferrara ou David Cronenberg. Après cet essai semi-raté, Wheatley semble avoir compris le message et change de cap. Avec “Free Fire”, il se débarrasse de tout maniérisme en allant droit au but : un entrepôt désaffecté, quelques personnages ravagés du ciboulot et des flingues. Une vente d’armes clandestine réunit donc une bande de bras cassés qui, confinés dans ce lieu clos, se regardent en chiens de faïence tout en doutant les uns des autres. Avant de finir par s’affronter façon “Horde Sauvage”. A peine installée, la tension monte de mille crans, les doutes prennent le pas sur la confiance et la poudre finit par remplacer le dialogue. Les corps tombent, le sang gicle et la vanne (toujours bien placée) fuse pour amoindrir la douleur ambiante. Un véritable Shoot’emup mais qui, contrairement à “John Wick 2” par exemple, ne ressemble pas à un simple jeu de tir PlayStation. Car Wheatley a ciselé ses personnages (le héros, le lâche, la badassgirl, le kamikaze) avec soin. Tous, au final, s’avèrent de fieffés salopards sans foi, ni loi. Ni même un semblant d’âme ou un chouia de compassion. Un nihilisme forcené et ravageur qui, finalement, est probablement le point commun à tous les films de Ben Wheatley ( actuellementensalles).