Rock & Folk

Alan Vega

“IT”

- ALEXANDRE BRETON

FADER

L’oeuvre d’Alan Vega est un théorème — pour sa radicalité et sa cohérence. Dès ses débuts electro-punk à l’orée des années soixante-dix, avec Martin Rev flanqué au Vox Continenta­l, Vega aura été un boxeur solitaire d’une constance rare. Un an jour pour jour après sa mort, la nuit du 16 juillet 2016, le label new-yorkais Fader publie le onzième acte solo de Vega et le premier posthume, intitulé “IT”. “IT” en majuscules, c’est-à-dire ça, référent impersonne­l, soustrait à toute nomination. Un extrait, “DTM” (pour Dead To Me), mis en ligne début juin, ouvre l’album : salves poétiques scandées sur fond de saturation et de rythmiques martelées. Le ton est donné dès le premier vers, avec un “goodbye dreams”, programmat­ique de la sublime noirceur de l’album. Composé entre 2010 et 2015, au cours de ses errances nocturnes, Vega y transcrit ses cauchemars (“Vision”, “Prayer”), enregistre le bruit terrifiant du monde, consigne l’ultra-violence ordinaire (“Dukes God Bar”, “Motorcycle Explodes”), jusqu’ à ce passage à tabac qui l’a laissé pour mort en 2010 (“Prophecy”). Fin de l’humanité, fin de l’Amérique, fin de la vérité, fin du rêve. En neuf rounds, “IT” est une chronique du nihilisme contempora­in (“Nothingnes­s”) — pas de posture, l’esthétique est minimale, au service de cette voix. La voix de Vega... tantôt claire (aussi claire et acérée qu’elle pouvait déjà l’être en 1977), tantôt rocailleus­e, n’a jamais autant sonné blues, mais un blues froid, sépulcral, dont tout lyrisme est abrasé : écouter le cri de “Screamin Jesus” pour s’en convaincre. “IT” est un acte guerrier. Au repli auto-contemplat­if de Bowie, s’étoilant et organisant sa propre mémoire, les visions de Vega opposent à ce monde la verticalit­é d’une résistance d’une incroyable vitalité.

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