Daniel Romano
NEWWEST/PIAS Lentement, mais sûrement, Daniel Romano poursuit son évolution d’un son roots et country vers un registre plus pop et électrique. Annoncé comme le virage rock du Canadien à la voix nasillarde, “Modern Pressure” l’est assurément, mais plus au sens Nick Lowe ou World Party que Buzzcoks du terme. L’album assume fièrement sa diversité de styles et d’influences, parfois même au cours d’un morceau (avec souvent des conclusions surprises, comme le coda avec sitars au patchouli qui complète idéalement “Roya”), avec tout de même un semblant de structure procuré par les deux parties de “Ugly Human Heart”. Mais le reste du disque prend surtout un certain plaisir à démentir ce diagnostic sur la mocheté des sentiments, en alignant les miniatures pop et les couches de guitares électriques euphorisantes. Romano a presque tout enregistré seul dans un studio suédois minuscule, avec sans doute un catalogue Ikea comme unique compagnon, d’où un côté home studio inévitable, mais plutôt que la pirouette technique ou les bidouillages poussés, Romano se plonge dans le mélange des genres qui avait été celui de la pop du milieu des années 60. Il va donc glisser des touches psychédéliques ou des nappes d’orgue Hammond façon “Blonde On Blonde” pour rendre plus imprévisibles et excitantes des compos d’un esprit relativement classique comme “Impossible Green”. C’est cette volonté de relance perpétuelle sur un album très court (moins de 40 minutes) qui arrache forcément l’adhésion à l’écoute. Il y a toujours une idée, un changement de tonalité, un pont pour nous présenter la pop à la fois comme un répertoire très formaté mais aussi, justement, comme l’art de dépasser ces limites. FRANCOIS KAHN