Rock & Folk

Colts et météo neigeuse Wind River DE TAYLOR SHERIDAN

- PAR CHRISTOPHE LEMAIRE

Et si, avec “Wind River”, nous assistions en direct à la naissance d’un grand cinéaste ?

Ou plutôt d’un vrai cinéaste ? Parce que réussir à mixer avec une telle acuité émotionnel­le neige, flingues, grands espaces, passé traumatiqu­e et épopée humaine relève d’une certaine forme de génie. Et rappelle au passage que le cinéma — le vrai — arrive encore à se faufiler en salles en creusant son chemin au travers des beauferies marvelesqu­es noyées dans un ouragan d’effets numériques tourbillon­nant sans fin jusqu’au plus profond des enfers. Ouf ! Quand il a écrit en 2015/ 2016 les scripts de deux films formidable­s (“Sicario” de Dennis Villeneuve et “Comancheri­a” de David Mackenzie), on s’est douté au moins d’une chose : Taylor Sheridan aime et rend hommage aux westerns. Dans “Sicario”, les aléas d’un trafic de drogue carabiné entre les Etats Unis et Mexique avait un léger arrière-goût de Sam Peckinpah. Sueur, sable et nihilisme ambiant oblige. Et dans “Comancheri­a”, une chasse à l’homme en plein Texas rappelait carrément le “High Sierra” de Raoul Walsh. L’âge d’or d’Hollywood revisité en quelque sorte... Idem pour “Wind River” qui, avec ses colts et sa météo neigeuse, semble être la version revival de “La Dernière Chasse” de Richard Brooks, classique du western des années 50. Sauf qu’en place de bisons abattus, c’est le corps gelé et sans vie d’une jeune Indienne qui est retrouvé au beau milieu d’une immensité sauvage du Wyoming. Un pisteur blanc d’une réserve indienne et une jeune recrue du FBI s’associent sans vraiment l’avoir cherché pour élucider le meurtre et retrouver l’assassin. Et ce dans une région désertique envahie par la neige où les tempêtes sauvages succèdent à des moments de soleil tapant. Des changement­s de climat brusque qui tapent sur le mental de la populace — principale­ment des Amérindien­s — en proie à la solitude, la violence et l’ennui. Et même à un certain flegme fataliste. A tel point que ce meurtre est ressenti par une partie des autochtone­s comme un petit pas de travers. Quelque chose de presque banal sur lequel il ne sert à rien de s’épancher. Ce qui n’est pas de l’avis du pisteur qui a du mal à se remettre de la disparitio­n de sa fille dans ses conditions similaires. Ni de la fliquette du FBI, totalement remontée et émue par cette injustice environnan­te. Avec une délicatess­e émotionnel­le très tenace, “Wind River” nous fait pénétrer avec une certaine mélancolie dans cette réserve indienne. On penserait presque au vieux western pro-indien de John Ford “Les Cheyennes”, mais en version 2017. Avec un peuple toujours ignoré, méprisé ou maltraité par une Amérique encore trop ségrégatio­nniste. Il y a quarante-cinq ans, au lieu de venir recevoir lui-même son Oscar de meilleur acteur pour “Le Parrain”, Marlon Brando avait envoyé sur scène une jeune Indienne pour défendre la cause de son peuple opprimé dont une partie de l’Amérique se foutait déjà. Avec “Wind River”, Taylor Sheridan fait acte de ce même geste politique, en défendant les Amérindien­s à son tour. Pour préparer son film dans le moindre détail, il a passé un temps infini dans les réserves indiennes en recueillan­t diverses histoires de vie. Pour ensuite, à travers “Wind River”, se retrouver en position de leur donner une voix. Si le film est aussi immersif (comme l’étaient d’ailleurs “Sicario” et “Comancheri­a”), c’est également grâce aux deux acteurs principaux : Jeremy Renner, en pisteur jamais remis du décès de sa progénitur­e, montre des qualités émotionnel­les évidemment impossible­s à faire passer quand il va cachetonne­r dans quelques blockbuste­rs aseptisés comme “Avengers 37” ou “Captain America 124”. Et l’épatante Elisabeth Olsen qui se surprend à voir son coeur vibrer quand elle finit par découvrir les horreurs endurées par la jeune victime. Et quand, soudaineme­nt, les guns finissent par fumer, quand la poudre des flingues se mélange à la poudreuse, on croit mordicus que la justice a enfin pris le dessus. Alors que l’injustice, au fond, restera éternelle... (Ensallesle­30août)

Wilson

Qu’il soit serial killer psychopath­e (“Tueurs Nés”), roi du porno (“Larry Flint”), magicien fantasque (“Insaisissa­bles”) ou flic psycho/ catho (“True Detective”), Woody Harrelson se fond dans ses personnage­s tout en gardant un côté Texansympa qui semble le lier à ses fans pour l’éternité. Y compris dans “Wilson” de Craig Johnson, petit film indépendan­t américain où il joue un célibatair­e misanthrop­e et cynique qui tente de se reconstitu­er une parcelle d’humanité après la mort de son père. D’un personnage antipathiq­ue, Harrelson réussit à en faire un monument de compassion à travers ce conte moral, un peu superficie­l certes, mais entièremen­t porté par son magnétisme déviant ( ensallesle­16août).

Atomic Blonde

Film d’action destroy entièremen­t basé sur le charisme (cuisses galbées, seins pointus et reins d’enfer compris) de la superbe Charlize Theron (ici en espionne frimeuse et lesbienne), “Atomic Blonde” de David Leitch n’innove pas spécialeme­nt. Avec son scénario lambda

à base de dossiersec­retimporta­nt à récupérer dans un Berlin vaguement interlope et ses bastons et autres courses poursuites épuisantes, “Atomic Blonde” aurait presque le look d’un directenDV­D des années 90, s’il n’y avait pas cet hallucinan­t plan séquence : un corps-à-corps sauvage entre Charlize et des bad guys allumés dans une cage d’escalier. Un moment sec et teigneux, allant à l’encontre du reste du film où les bagarres, nettement plus décontract­ées, sont surlignées inutilemen­t par des tubes ultra connus de Depeche Mode, David Bowie, Public Enemy et The Cure (ensallesle­16août). filmique où les souvenirs — à la façon du “Eternal Sunshine Of The Spotless Mind” de Michel Gondry — semblent se mélanger sans fin dans un fascinant maelström d’impression­s sensitives ( ensallesle­23août).

So Film Summer Camp 2017

Pour sa troisième édition, ce festival organisé à Nantes par la revue So Film proposait en ce début d’été quelques soirées plus qu’éclectique­s : masterclas­s homérique et hilarante de Vincent Lindon, discussion avec Bernard Ménez s’improvisan­t historien du Tour de France, one man show étrange de l’acteur/ réalisateu­r Benoît Forgeard sur poétiqueme­nt fascinant (ou agaçant, au choix) où Jeanne Balibar réussit au moins l’exploit de faire revivre la Barbara, de sa gestuelle élégante à sa voix murmurée.

L’Etrange Festival 2017

Il est humainemen­t impossible de synthétise­r la programmat­ion orgiaque de la prochaine édition de l’Etrange Festival où la musique et le rock auront, comme d’habitude, leur petit coin réservé. Et ce à coups d’avantpremi­ères attendues. Comme “Kuso” de Flying Lotus, premier long métrage, paraît-il, totalement barré du rappeur/ DJ américain ; “9 Doigts”, dernier délire poétique en date de FJ Ossang, musicien du groupe indé MKB réputé pour tourner tous ses films sous substance d’expression­nisme allemand ; l’intrigant “Les Etablissem­ents Phonograph­iques De L’Est”, documentai­re sur la boutique de vinyles et salle de concert de la rue du Chemin Vert à Paris. Ou encore “Instrument”, documentai­re immersif où l’on suit sur plusieurs années (1987 à 1998) le groupe post-hardcore Fugazi avec de vieux documents d’archives en super 8 et 16 millimètre­s. Du 6 au 17 septembre au Forum Des Images. Pour plus de renseignem­ents : www.etrangefes­tival.com

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Wilson
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Atomic Blonde
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The Love Witch

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