Rock & Folk

L’Angleterre a les Windsor, les Américains les Presley

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Elvis est un Roi baptiste : il veut rencontrer Dieu. Il connaîtra son extase mystique le 7 mars 1966, quand un nuage, revêtant le visage de Staline, se transforme sous ses yeux en celui du Christ. Puis il se marie avec Priscilla, organise un autodafé des livres magiques et se met à boire. C’est le temps des nouvelles conquêtes. La stratégie est décidée à Graceland : Elvis a conquis Memphis, la ville du sud et de la musique, puis Hollywood, la ville du cinéma. Suite au succès du Special de NBC, il marche sur Las Vegas, ville du divertisse­ment et de l’argent facile. Il apprend du chanteur de R&B Jackie Wilson que pour transpirer sur scène, ce qui rend fou les poulettes, il faut avaler des cachets de sel. Elles lui tendent des mouchoirs, qu’il leur rend imbibés de sueur. Mais ce régime, avec les pilules et la coke à la toute fin, épuise ses reins. Après sa rencontre avec Nixon, sous le protocole de rigueur, il rentre en scène sur un thème royal : “Ainsi Parlait Zarathoust­ra” de Richard Strauss. Elvis, ce surhomme. Mais, c’est déjà le temps des dialyses permanente­s et des hospitalis­ations de plus en plus régulières. Comme Louis XIV, son corps le lâche sur les cinq dernières années de sa vie. Sauf que le Roi-Soleil est mort à 77 ans au 18ème siècle, le King à 42, au 20ème siècle. Enfin, comme César, le coup fatal viendra du premier cercle : le livre “Elvis, What Happened”, dicté par Red et Sonny West, membres d’honneur de la Memphis Mafia, paraît en Angleterre en mai et aux USA en juillet. Elvis meurt en août. Les traitres deviennent millionnai­res.

Marchands du temple

Que reste-t-il d’Elvis Presley ? Les nouvelles génération­s l’oublient, son nom est exploité comme une marque, son tombeau exposé aux perches à selfie, sa musique assassinée au pas de sa porte. Même Mickey Mouse est mieux traité. Malgré ces outrages, l’amour que lui portent ses sujets reste inégalé. Robert Palmer, grand journalist­e de Memphis, eut cette phrase pour expliquer l’importance de sa ville : “Memphis, c’est la lumière vers laquelle marchaient les peuples vivant dans l’obscurité des

alentours.” De cet espoir naît l’union croisant le destin de Presley avec celui de sa ville de coeur : la voix du King appelle les croyants du monde entier à se reconnaîtr­e et se réunir. On tombe en Elvis comme on tombe en religion, dans le mystère de cette voix et la simplicité de cet homme. Le jour où ce mystère disparaîtr­a, l’âme de sa ville s’échappera. En attendant, les marchands du temple se tiennent prêts à glisser les mains dans les poches des pèlerins.

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