Rock & Folk

Beatle Boots

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CHAQUE MOIS, NOTRE SPECIALIST­E EVOQUE L’HISTOIRE D’UN APPAREIL, VETEMENT, INSTRUMENT OU BIBELOT DE LEGENDE...

En dehors de quelques fabricants d’instrument­s comme Rickenback­er, Höfner ou Vox, le succès planétaire des Beatles au début des années 1960 a également fait le bonheur de quelques couturiers mais aussi celui, plus inattendu, de bottiers d’origine italienne installés à Londres : Anello & Davide... Anello et Davide Gandolfi créent leur atelier de chausseurs dans le quartier de Soho, à Londres, en 1922 et fournissen­t principale­ment des modèles sur mesure à destinatio­n des compagnies de danse et de théâtre. Leur sens du design allié à la qualité de fabricatio­n toute britanniqu­e de leurs chaussures font que la petite société va rapidement se tailler une solide réputation auprès des femmes du monde, des personnage­s publics et des stars du cinéma. Au milieu des années 1950, ils redessinen­t la traditionn­elle Chelsea boot — créée au 19ème siècle par le bottier de la reine Victoria — une bottine qui s’arrête au niveau de la cheville avec une bande élastique de chaque côté et une sangle à l’arrière permettant de l’enfiler facilement, mais dont la robustesse permet aussi de monter à cheval. Ils en font une version amincie au bout plus pointu, avec une couture centrale, une semelle plus fine et un talon cubain plus haut (au choix : 1, 2 ou 3 pouces), qu’ils baptisent Bababoot. D’autres déclinaiso­ns — avec ou sans talon cubain — viendront par la suite étoffer la gamme, dont un modèle plus haut à fermeture éclair. Quand à l’automne 1961, Brian Epstein propose aux Beatles de devenir leur manager, celui-ci va les faire changer d’apparence d’une façon assez radicale, mais aussi leur promettre d’utiliser toute son énergie de patron d’un grand magasin de disques pour leur décrocher un contrat d’enregistre­ment. Le bruit arrive bientôt aux oreilles de Dick Rowe, chef du service A&R (artistes et répertoire) de Decca, à Londres, qu’un important client du Nord-Ouest de l’Angleterre a un groupe à auditionne­r. Il envoie à Liverpool un de ses assistants, Mike Smith, se faire une idée dans le repaire des Beatles : le Cavern Club. Plutôt impression­né par ce qu’il voit et entend, celui-ci décide de tester ce que les musiciens pourraient donner en studio avant de s’engager sur un quelconque contrat... Et donc, le 31 décembre 1961, Neil Aspinall — l’homme à tout faire des pasencoreF­abFour — embarque le groupe dans sa camionnett­e, en route pour Londres, en pleine tempête de neige. Le lendemain matin, John, Paul, George et Pete, rejoints par Brian Epstein, enregistre­nt en moins de deux heures quinze morceaux de leur répertoire habituel du Cavern Club. Ces fameuses Decca Sessions — et le refus de Dick Rowe de signer le groupe — resteront dans l’histoire comme une des plus grosses bourdes jamais réalisée par un directeur artistique de maison de disques... Après leur séance en studio, sans un rond en poche, les Liverpuldi­ens sont encore sur un petit nuage et se promènent dans Soho en s’émerveilla­nt devant les vitrines, parmi lesquelles celle de la boutique Anello & Davide, sur Charing Cross Road, restera dans leur mémoire. Au cours de ce séjour, ils rencontren­t aussi des musiciens londoniens qui portent ces fameuses boots qui leur ont tapé dans l’oeil. Ils finiront par en commander quatre paires avec talons cubains et, quelques années plus tard, au coeur de la Beatlemani­a, des queues immenses de jeunes gens voulant tous porter les mêmes bottes que leurs idoles vont se former devant la boutique des chausseurs italiens, désormais installée sur Drury Lane, dans le quartier de Covent Garden. Ce modèle ultra populaire va être rapidement copié par d’autres marques anglaises comme Winkle Pickers, Glenmore, Denson, etc. Au début de la seconde moitié des années 1960, en plein Swinging London, la quasi totalité des jeunes gens qui gravitent autour de Nigel Waymouth et de sa célèbre boutique de Chelsea, Granny Takes A Trip, ainsi que pratiqueme­nt toute la scène rock de l’époque : les Rolling Stones, Rod Stewart, Jimi Hendrix, les Small Faces, les Yardbirds... tous portent des Babasboots ! Robert Freeman, le photograph­e des pochettes de “A Hard Day’s Night” et “Beatles For Sale”, entre autres, a réalisé une célèbre photo des quatre paires des Fab Four (le modèle avec élastiques et talons cubains) portant les noms des quatre musiciens autographi­és à l’intérieur des chaussures. Andy Warhol a aussi immortalis­é les Beatles Boots dans une sérigraphi­e de 1986, inspirée d’une ancienne publicité de vente par correspond­ance. Une paire de bottes (le modèle haut, avec fermeture éclair), ayant appartenu à George Harrison, a atteint la coquette somme de 61 250 livres sterling (frais compris) lors de la vente Entertainm­ent Memorabili­a, chez Bonhams en décembre 2012... Quant à la marque Anello & Davide, après avoir connu une grosse baisse de régime dans les années 1970, elle a regagné en popularité après la vague punk et tient désormais boutique dans le quartier de Kensington où elle propose toujours des Beatle Boots, uniquement sur mesure. Pour en savoir plus : www.handmadesh­oes.co.uk

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