Kadavar
“Rough Times”
NUCLEARBLAST On pouvait s’inquiéter pour le sort de Kadavar après avoir jeté une oreille sur “Berlin”, il y a deux ans de cela : le hiératique power trio venu d’outreRhin, jusqu’alors pourvoyeur d’un hard rock seventies du meilleur aloi, allait-il s’affadir et tourner FM ? Nos Teutons semblaient alors hésiter quant à la voie à emprunter pour finalement choisir la bonne : bâtissant leur propre studio dans le Sud de Berlin pour être libre d’expérimenter, ils ont réussi à retrouver la patine sonore de leurs débuts. Comme son titre l’indique, cet effort a aussi nécessité souffrance et remise en question, et on le ressent dans ses textes gothiques, sombres, évoquant vampires, macchabés ou enfants maudits. Dès l’ouverture, on est englouti par un magma bouillonnant de basses distordues, dans lequel éclot une mince mélodie soufflée à la flûte. Les deux pistes suivantes explorent cette veine tellurique qui évoque Electric Wizard par son étouffante âpreté, puis la lumière perce avec “Die Baby Die” et son refrain envoutant, réminiscence de Black Sabbath. L’autre grand morceau est probablement “Tribulation Nation”, virée space rock à la grondante pulsation entretenue par Simon Dragon Bouteloup, bassiste sinueux et vagabond. Par la suite, on vogue progressivement vers un doux réconfort avec la mélancolique “The Lost Child” puis la radieuse ballade “You Found The Best In Me”, aux guitares proprement solaires. Voici donc une sorte de voyage, du tumulte intérieur vers la félicité, qui s’achève par “A l’Ombre Du Temps”, poème déclamé en français sur la condition humaine, sur fond de stridences. On l’aura compris : avec cet album à l’évidente maturité, Kadavar s’installe à nouveau au pinacle des formations de stoner occulte.
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JONATHAN WITT