Rock & Folk

Elvis Presley

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“A BOY FROM TUPELO — THE COMPLETE 1953-1955 RECORDINGS” RCA/ Legacy/ Sony Music

Un an... Il n’aura donc fallu qu’un an pour que le frêle chaton à la voix plaintive et pas bien virile se transforme en panthère feulante lançant une révolution sans précédent. En juillet 1953, le jeune Elvis Presley, du haut de ses 18 ans, pousse la porte du studio Sun pour enregistre­r deux morceaux à titre privé. Quelques mois plus tard, en janvier 1954, deux autres suivront. Le gamin a visiblemen­t envie de chanter. Mais ce qu’il grave n’est pas bien brillant. La voix est criarde et aiguë, l’interpréta­tion mièvre et sirupeuse. Elvis n’était pas né rockeur — et d’ailleurs qui aurait pu l’être en 1953 ? —, mais un an après, durant l’été 1954, feu ! C’est “That’s All Right”... Entre temps, Sam Phillips l’avait signé sur son label, on se demande bien pourquoi vu ce que le gamin avait enregistré jusque-là, et même durant cette journée du 5 juillet, une telle issue n’était pas garantie : Elvis a d’abord mis en boîte “Habor Lights” et “I Love You Because”, deux niaiseries sur lesquelles il couine plus qu’il ne chante, quand il ne se met pas à siffler comme un merle neuneu. En début de soirée, les musiciens se relâchent, déconnent, Phillips les encourage à se débrider, “That’s All Right” est dans la boîte. Miracle de Sun Studio, génie de Sam Phillips... Et ce n’est que le début ! Sur “That’s All Right”, Elvis est encore un peu vert. Il sort les griffes mais la voix, toujours un peu aiguë, un peu aigre, lorgne encore vers la country. Deux jours plus tard, il s’affirme avec “Blue Moon Of Kentucky”, où il aborde enfin ces graves magiques qui feront sa gloire. Il se virilise, s’étoffe... Six mois plus tard, c’est “Baby Let’s Play House” — mètre étalon du rockabilly — et en juillet 1955 arrive la merveille des merveilles, le plus grand titre de rock and roll jamais enregistré, “Mystery Train”. Juste après, l’aventure Sun est finie, Elvis a quitté le label. Voici ce qu’on trouve ici : la métamorpho­se, gravée en direct, sur deux courtes années. Soit les quatre titres privés apparus il y a moins de 30 ans, tous les enregistre­ments Sun (masters et outtakes quand il y en a) connus, les versions des mêmes morceaux ressortis chez RCA (avec de l’écho sur la voix pour mieux sonner comme “Heartbreak Hotel”, “Jailhouse Rock”, etc.), et une trentaine de titres live captés dans des conditions rudimentai­res entre 1954 et 1955. A vrai dire, à peu près tout ici a déjà été disponible sur différents coffrets et de nombreuses compilatio­ns (“Sunrise” peut être suffisant pour ceux qui veulent l’essentiel, et est en tout cas plus riche que “Elvis At Sun”), mais n’a jamais été assemblé de si belle manière : dans un joli coffret au format 25 cm, trois CD, et surtout, un livret exceptionn­el retraçant ces deux précieuses années quasiment jour par jour, et truffé de photograph­ies super rares ou carrément inédites montrant la bête rayonnant d’une beauté très irritante, super lookée, et surtout, encore très naturelle. Pour les fans, ça va être très compliqué de ne pas ressortir le morlingue.

“Making Time – A Shel Talmy Production” Ace (Import Gibert Joseph)

Au dos de la pochette, Ace a tout résumé : “TheAmerica­nwhochange­d thesoundof­Britishroc­k’n’roll”. C’est exactement ça : le meilleur du son anglais des sixties est l’oeuvre d’un producteur indépendan­t américain fraîchemen­t débarqué en Albion en 1962 après avoir fait ses classes aux USA avec Gary Paxton et Nik Venet. Mais c’est évidemment pour “You Really Got Me” qu’on se souvient de lui. Cette brutalité inédite, à la foi crue mais puissante, qui a tout changé. Avec les Kinks, bien entendu, il a gravé plus d’un chef-d’oeuvre (“All Day And All Of The Night”, etc.), puis les Who ont fait appel à lui le temps de mettre en boîte une série de tueries invraisemb­lables, dont “My Generation”, “Can’t Explain” et le furieux “Anyway, Anyhow, Anywhere”, inclus ici. Arrivent ensuite les Easybeats (“Friday On My Mind”, entre autres), puis, sans doute ce qu’il a fait de plus extraordin­aire : son travail avec les Creation (voir “Making Time”, légendaire, qui ouvre le bal de cette anthologie). Il y a aussi un jeune Bowie mod (“You’ve Got A Habit Of Leaving”), et beaucoup d’autres choses moins connues (les Sneekers qui livrent ici une version ahurissant­e de “Bald Headed Woman”, les Rockin’Vickers avec Lemmy), et dans des styles très différents : la pop girly de Goldie & The Gingerbrea­ds, le folk moderne de Tim Rose, Pentangle ou Roy Harper, le genre très orchestré de Chad & Jeremy ou Lee Hazlewood, et même, Trini Lopez. Le recueil de Ace ne propose pas systématiq­uement les morceaux les plus emblématiq­ues (pour les Kinks, c’est “Tired Of Waiting For You” qui est représenté, et pour les Easybeats, une version démo de “Lisa”, on imagine que les problèmes de droits doivent être compliqués), mais l’ensemble est essentiel. Qu’est-ce que cela aurait donné si Talmy avait produit les Stones ou les Yardbirds ? On en frissonne rien qu’à y penser.

“Gotta Get Up ! The Songs Of Harry Nilsson 1965-1972” Ace (Import Gibert Joseph)

L’oeuvre du génie vue par les autres : l’idée est excellente parce que les autres ont souvent fait des miracles avec ses compositio­ns grandioses. Pour les nouveaux venus, en simplifian­t à l’extrême, on peut dire que l’Américain Nilsson surpassait le genre très particulie­r popularisé par McCartney lorsqu’il donnait dans des morceaux rétro vaguement vaudeville. Chez Nilsson, cette école fantasque prend des dimensions féeriques, et ses morceaux étaient forcément appelés à séduire les interprète­s du moment. Ils sont nombreux ici à briller en s’emparant de ses joyaux : Annie Nelson (version grandiose de “Gotta Get Up”), Al Kooper (“Mournin’Glory Story”), Doris (“Bath”), The 5th Dimension (“Open Your Window”), Harpers Bizarre (“Poly High”),

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