Rock & Folk

PORTUGAL. THEMAN

Apprécié pour ses bricolages, le groupe de Portland vient de décrocher un tube. John Gourley et ses amis donnent quelques explicatio­ns sur ce paquetfado qui n’est pas vraiment une surprise.

- JEROME SOLIGNY Album “Woodstock” (Atlantic/ Warner)

Le monde tremble sur son axe, de moins en moins de choses se passent comme prévu. “Gloomin’ + Doomin’ ”, successeur envisagé de l’album “Evil Friends” de 2013 n’existe pas. Le huitième Portugal The Man (en dix ans !), paru en juillet s’appelle “Woodstock”. Et effectivem­ent, c’est un festival. De pop moderne aux accents rock. Ou le contraire. Car cette fois, un single, “Feel it Still”, joue pleinement le rôle d’accélérate­ur de particules. Et la formation basée à Portland récolte enfin, chez elle et à l’internatio­nal, le fruit de graines astucieuse­ment plantées par John Gourley (tête à moustache), Zach Carothers (bassiste et ami d’enfance) et leurs potes de décarrade. A preuve, cette interview a eu lieu in situ à quelques heures du passage de PTM à Quotidien, l’émission du PAF qu’envient tous ceux qui, pendant la même tranche horaire, rament sur d’autres chaînes. On l’avait gardée au chaud pour la publier alors que le groupe va donner trois concerts en France dont un qui promet, au Bataclan, le 29 septembre. Etre ailleurs, ce soir-là, sera faire d’une pierre deux coups : nier l’évidence tout en passant à côté de son époque.

Feu de brindilles

ROCK&FOLK : “Woodstock” a quelque chose en commun avec ce que faisait John Lennon au tout début de sa carrière solo : un côté direct, comme une mitraille de slogans.

John Gourley : C’est principale­ment dû au fait que travailler avec Danger Mouse nous a appris à canaliser notre énergie. Dans les paroles, effectivem­ent, et également sur le plan de la structure des chansons. J’ai eu envie que le nouvel album ressemble un peu à une sorte de catalogue musical de nos années lycée. On écoutait Outkast, Missy Elliott... Il y avait des samples partout... On voulait aussi le grunge des années 90 et l’esprit Motown que j’ai découvert grâce aux albums que mon père m’a refilés. C’est ce cocktail qu’on a inventé.

R&F : Avec ce disque, recommencé plusieurs fois, vous avez un peu fait comme Coldplay au début de sa carrière. Il y a deux ans, on pensait qu’il était terminé. John Gourley : C’était le cas ! Zach Carothers : On a bien failli publier ce qu’on avait fait, mais finalement on est repartis de zéro.

John Gourley : Deux choses ont foutu la zone : Danger Mouse qui nous a conseillé d’écrire des chansons sans idée préconçue et ma découverte de Prince, il y a trois ou quatre ans, qui écrivait sans arrêt. Jusque-là, j’ai toujours eu besoin de savoir où j’allais. De connaître le début et la fin.

R&F : L’album est court. Vous auriez pu mettre deux ou trois morceaux de plus dessus.

John Gourley : On s’est dit que les gens avaient du mal à concentrer leur attention sur les choses aujourd’hui, et la manière de consommer la musique a tellement évolué. On a mis “Noise Pollution” en ligne il y a plusieurs mois et constaté que ça avait été un feu de brindilles !

R&F : Vous y faites allusion au Bataclan...

John Gourley : Oui et on parle aussi de la manière dont les gens se servent des réseaux sociaux pour propager des mensonges. J’ignorais, en l’écrivant, que Trump deviendrai­t président et qu’il allait tweeter comme un malade. L’actualité nous a obligés à repenser l’album. On ne pouvait pas se contenter d’un truc cool, il fallait que ce soit puissant. J’ai retrouvé le billet de Woodstock de mon père, ça a été une sorte de déclencheu­r. Je me suis souvenu de l’époque où il me montrait la cassette VHS du festival et du passage avec Richie Havens qui chante “Freedom”. R&F : Ce sample de la chanson, dans “Number One”, vous a coûté un bras, non ? John Gourley : Sincèremen­t, au départ, on nous a demandé une somme astronomiq­ue et on a finalement négocié un prix raisonnabl­e.

R&F : John, pour une fois, vous n’avez pas fait la pochette du disque.

John Gourley : Non, en effet. On a utilisé une photo prise sur la route par notre copain Josh. C’est une sorte de bras d’honneur au monde. Vous savez, on a grandi en Alaska... On n’avait jamais vu une Rolls en vrai avant l’âge de vingt ans (rires). Alors, quoi de mieux que cette pochette pour illustrer une musique qui incarne, en quelque sorte, nos années formatrice­s ? ★

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