Rock & Folk

LCD SOUNDSYSTE­M

Après de faux adieux, James Murphy, l’homme qui réconcilie punks chics et amateurs d’électro, est de retour. Rencontre cocktail.

- RECUEILLI PAR OLIVIER CACHIN Album “American Dream” (DFA/ Columbia/ Sony Music)

En 2010, après 8 ans passés à s’imposer comme le collectif électronic­o-rock le plus crucial de ce début de millénaire, LCD Soundsyste­m s’autodétrui­sait suite à un ultime show spectacula­ire au Madison Square Garden de New York. Un concert gravé sur “The Long Goodbye”, coffret de 5 albums vinyle faisant office de pierre tombale pour James Murphy et ses amis après trois albums truffés de spectacula­ires réussites comme “Daft Punk Is Playing At My House” (nominé aux Grammy Awards en 2005) et le monstrueux “45 : 33” de 2007, géant de trois quarts d’heure commandité par Nike pour accompagne­r le workout et peaufiné par Murphy lors de plusieurs joggings (il avoua par la suite que l’anecdote était totalement bidon et qu’il ne pratique pas le jogging).

Le temps qui passe

En ces temps de buzz permanent où les addicts des réseaux sociaux se demandent si leur groupe favori est parti à la retraite après deux semaines de silence radio, le démantèlem­ent de LCD a été vu par certains comme un coup de pub pour booster les ventes des 22 000 tickets du MSG. Pourtant, Murphy, qui avait déjà 32 ans lorsqu’il écrivit le premier single “Losing My Edge” (titre prémonitoi­re s’il en est), avait bien prévenu lors de multiples interviews qu’il ne se voyait pas durer après la quarantain­e. N’avaitil pas déclaré au quotidien anglais The Guardian : “J’étais malade sept mois de l’année, je chopais des infections bronchiale­s et nasales, j’étais une usine à bactéries, je ne dormais plus, j’avais la gueule de bois en permanence et j’étais bourré

d’antibiotiq­ues surpuissan­ts que me faisaient gober les docteurs, en mode ‘On ne sait pas s’il va choper la gangrène et perdre ses membres inférieurs, alors donnons-lui ça parce qu’on ne peut pas le mettre sur une table d’opération’. Et ma femme

me disait : ‘tu vas crever, je ne sais même plus pourquoi je t’ai épousé’. En plus, on s’apprêtait à refaire le même disque que le précédent, en plus boursouflé. Et ça me rendait encore plus malade” ? Fin de l’histoire. Sauf que. Flash forward : Paris, jeudi 29 juin, Buvette Gastrothèq­ue, à Pigalle. Un bar branché façon New York, lieu choisi par Murphy, 47 ans, pour l’écoute de cet “American Dream” de la

renaissanc­e. “On a choisi cet endroit parce qu’on trouvait que c’était une meilleure idée que d’être assis dans un bureau où tout le monde tapote en rythme sur la table en essayant de ne pas croiser mon regard... Ou, lorsque ça arrive, de faire un signe de tête en levant le pouce. Comme ça, on a la musique en fond et on peut fonctionne­r normalemen­t, manger, boire un coup et traîner. Alors merci à vous d’être passé, merci à mes amis qui n’ont rien à voir avec ça mais qui sont juste mes potes et qui sont venus picoler et écouter du son, merci aussi à Sony d’être des hôtes parfaits en

organisant tout ça au dernier moment !” Rires et applaudiss­ements. Entre deux petits fours et un open bar vin rouge/ vin blanc (logique pour James Murphy, qui a ouvert un bistrot à Brooklyn, The Four Horsemen, avec une carte de vins français très honorable), on écoute l’album. Pas de risque de piratage vu le faible volume sonore, qui ne permet guère d’apprécier les futurs classiques que sont le punko-romantique “Call The Police” et le superbe “Tonite”, qui comme plusieurs autres compositio­ns évoquent le temps qui passe et les années qui s’empilent. Un thème récurent, rappelle Murphy : “Je ne vais pas miraculeus­ement rajeunir et le monde ne va pas s’arrêter de fétichiser la jeunesse”.

Rêve brisé

Comme en leur temps Happy Mondays et New Order, Murphy l’indie rocker est devenu adepte de dance music en fréquentan­t les clubs. Tandis que l’on tend l’oreille pour tenter d’évaluer la qualité des sons LCD, James discute avec les journalist­es, se livre sans barguigner à une série de selfies et de dédicaces, mais n’oublie pas de téléphoner à sa femme, en villégiatu­re nordique (en Islande, semble-t-il). Bref, le New-Yorkais semble heureux de renier sa retraite anticipée, et livre du coup un album furieux, comme le prouve la chanson titre, une de ses plus belles réussites. Et un salutaire exorcisme après le rendez-vous raté avec David Bowie : il fut un temps question d’une collaborat­ion poussée entre les deux artistes (“juste nous deux dans une pièce”) mais le projet avorta et la participat­ion de Murphy à “Blackstar” se limita à des percussion­s sur un morceau et une suggestion d’accord sur un autre. Un rêve brisé, mais à la place un retour inespéré. ★

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