Rock & Folk

MARC BOLAN

Né en 1947, le chanteur de T Rex a terminé sa courte vie voici quatre décennies, en 1977. Retour en sept points sur quelques épisodes marquants de cette comète glam.

- PAR JEROME SOLIGNY

Quarante ans qu’il est mort. Bolan, Tyrannosau­rus Rex, wagon de queue du train hippie, puis T Rex qui allait sortir l’Angleterre de sa torpeur post-split des Beatles en donnant au glam ses plus belles lettres de noblesse. L’aube des seventies : John Peel dans la poche, des chansons magistrale­s et insolentes de simplicité emballées par Tony Visconti, une rafale de numéros 1 (“Hot Love”, “Get It On”, “Telegram Sam” et “Metal Guru”), des concerts hystérique­s, un film pour couronner le tout (“Born To Boogie”, le seul de Ringo Starr). Et puis la drogue et surtout l’alcool qui rend bouffi, la tour d’ivoire qui vacille, l’égocentris­me élevé au rang d’art. L’art, parlons-en, qui se mord la queue, et l’Amérique qui se refuse. Alors la descente, inévitable, vers un enfer qui n’est pas les autres. Finalement, à mi-décennie, un petit miracle. Un come-back seulement pour les fans (le dernier album studio a été un échec commercial), une muse qui chante, et lui souffle dans les voiles et dépose dans ses bras l’enfant de l’amour échangé. Les punks, qui le voient en parrain et enlèvent une partie du plomb dans ses ailes : le dragon futuriste devient humble, dandy du monde souterrain. Jusqu’à la mort. Qui fauche en démontrant que les Mini 1275 GT, même violettes, résistaien­t mal aux chocs frontaux. C’est sûr, Marc Bolan mérite des centaines de pages. Mais pour l’heure on se contente d’une évocation de sa carrière en sept points dont le dernier (les cinq chansons préférées de Tony Visconti racontées par le producteur en personne) n’est pas le moindre. Sept, comme dans 1947, 1977 et 2017.

L’AMI AMERICAIN

Quoi qu’affirment certains, c’est au club UFO (sur Tottenham Court Road) fin 1967 et non au Middle Earth (à Covent Garden) début 1968 que l’américain Tony Visconti, débarqué à Londres, a rencontré Marc Bolan pour la première fois. Intrigué par le nom Tyrannosau­rus Rex lu dans IT (Internatio­nal Times) et convaincu qu’en bas de l’escalier exigu qui menait à cette salle, il découvrira­it un groupe de rock en plein effort, le jeune producteur allait prendre une des claques musicales de sa vie. Assis en tailleur au ras d’un public de moins de deux cents personnes et flanqué de son percussion­niste Steve Peregrine Took, Bolan, look hippie très affirmé, débitait d’une voix de crécelle des chansons faussement folk mais pas encore rock, tandis que le public, comme hypnotisé, n’en perdait pas une syllabe. Ce soir-là, Visconti estima qu’il allait pouvoir se servir de la musique de ce chanteur frisé à gueule d’ange comme d’un tremplin pour sa propre carrière.

GUERRIER ELECTRIQUE

On peut légitimeme­nt affirmer que le fait d’avoir vu Bob Dylan, quelques années auparavant, passer de la guitare sèche à l’électrique au grand chagrin de ses admirateur­s de la première heure, a contribué à ce que Marc Bolan fasse aussi le grand saut. Mais dès 1967, son bref passage au sein des déjantés John’s Children (il a remplacé le guitariste Geoff McClelland) avait laissé des traces de poudre qui ne demandaien­t qu’à être enflammées. Bolan n’enregistra qu’une poignée de titres avec ce groupe (dont sa “Desdemona” parue en single et censurée par la BBC pour cause de “jupe soulevée”), mais sa participat­ion à leurs concerts — notamment quelques dates en Allemagne avec les Who et une apparition remarquée, un long feedback, au fameux happening marathon 14-Hour Technicolo­r Dream, fin avril de la même année — allait semer en lui l’idée que la guitare électrique était idéale pour faire du potin et attirer l’attention. Etre présent (selon Bolan) à l’enregistre­ment

de “Hey Joe” par Jimi Hendrix à Londres, et avoir passé un week-end chez Eric Clapton à le regarder jouer précipiter­ont un passage à l’acte concrétisé par le single “King Of The Rumbling Spires” de 1969 et l’album “A Beard Of Stars” qui lui a succédé, le dernier de Tyrannosau­rus Rex et le premier avec Micky Finn à la place de Steve Took.

VRAIS FAUX RIVAUX

La légende veut que Marc Bolan et David Bowie se soient rencontrés au milieu des années 60 tandis qu’en échange de quelques livres, ils repeignaie­nt les murs du bureau de leur manager alors commun Leslie Conn. Travailler tous deux, un temps également, avec Tony Visconti, les aura certaineme­nt rapprochés, mais leurs relations n’étaient plus au mieux lorsque le succès balbutiant monta à la tête de Bolan (en janvier 1970, à l’invitation de Visconti, le futur leader de T Rex, plutôt renfrogné, déposa aux Trident Studios quelques lignes de guitare sur “The Prettiest Star” de Bowie) et il se coupa de tous ceux qui ne contribuai­ent pas directemen­t à sa gloire lorsqu’il enchaîna, de la fin 1970 au début 1973, une dizaine de singles dans le top 3 britanniqu­e. Mais alors que T Rex déclinait, Bowie explosait et réussit même à s’imposer aux USA, là où Bolan n’a jamais rimé à grand-chose. L’année précédant le décès de ce dernier, ceux que la presse aimait présenter comme deux frères ennemis se sont recroisés avec plaisir et Bowie accepta de participer à l’émission de télévision de son copain sur Granada (et notamment d’y chanter “Heroes”). Les funéraille­s de Marc Bolan comptent parmi les rares auxquelles David Bowie a assisté et il a contribué financière­ment à l’éducation et au bien-être de Rolan Bolan, fils unique de son père et de sa dernière compagne, la chanteuse Gloria Jones.

MUSIQUE ET MOTS

De mieux en mieux réédité depuis quelques années (sous forme de coffrets et de luxueux digipaks disponible­s via Edsel), le catalogue discograph­ique original de Marc Bolan et T Rex fait l’objet d’une traque assidue de la part de nombreux aficionado­s. Si les albums vinyle de T Rex (notamment les plus populaires, “Electric Warrior” et “The Slider”) sont facilement trouvables en bon état, il n’en va pas de même pour les premiers de Tyrannosau­rus Rex dont la cote ne cesse de grimper. Certains singles sur Regal-Zonophone valent plus de cinq cents livres. C’est également la somme que devront débourser les fans les plus accros pour se procurer “The Warlock Of Love”, l’unique livre de poésie de Marc Bolan tiré à très peu d’exemplaire­s par Lupus en 1969. JRR Tolkien n’allait décéder que quatre ans plus tard, mais son fantôme planait déjà au-dessus de ces textes alambiqués teintés de romantisme, plus proches des paroles des chansons de Tyrannosau­rus Rex que de celles de T Rex.

HEROUVILLE

Comme ceux de David Bowie, les passages de T Rex au Château d’Hérouville (pour des raisons essentiell­ement fiscales) dans les années 70 sont sources d’inexactitu­des. En tout et pour tout, Marc Bolan et ses musiciens se sont rendus trois fois aux studios de Pontoise en 1972 et n’y sont jamais restés plus de quatre ou cinq jours. A la fin de la première semaine de mars, ils y ont enregistré le gros des basic tracks de “The Slider”, et puis, début août et fin octobre, l’essentiel de “Tanx”, son successeur paru l’année suivante. Même si leurs notes de pochette ne le stipulent pas, aucun de ses disques n’a été finalisé ni mixé à Hérouville.

MORTS MAIS PAS QUE

C’est un peu beaucoup l’hécatombe chez les musiciens proches de Marc Bolan depuis ses débuts. Steve Took et Mickey Finn (qui lui a succédé aux percussion­s) sont aujourd’hui décédés, tout comme Steve Currie, l’excellent bassiste qui a joué avec lui de 1970 à 1976. De nos jours, Tony Visconti, bon pied, bon oeil et bonne oreille est plus que jamais sur le pont en tant que producteur et Bill Legend, batteur du T Rex des années d’or, continue l’aventure à sa façon en faisant marcher à ses baguettes un tribute band (X-T Rex) qui sévit depuis 2014. A la fin des années 90, Mickey Finn avait monté un groupe similaire qui continue de jouer depuis sa disparitio­n (en 2003) sous le nom, pur et simple de... T Rex ! Visconti, Legend et David Bowie font partie des cinq cents signataire­s d’une pétition qui a tourné en 2008 pour empêcher ces gens-là d’exploiter le nom du groupe de Marc Bolan.

CINQ DE TONY “COSMIC DANCER” (1971)

“C’est à l’époque de cette chanson que Marc m’a vraiment accordé toute sa confiance. Il savait que j’avais déjà arrangé des orchestres à cordes et m’a laissé carte blanche. J’ai fait venir dix-huit musiciens et sorti le grand jeu. A la réécoute aujourd’hui, je trouve que ce titre a véritablem­ent une âme au point que Ray Charles aurait très bien pu le chanter. C’est une chanson autobiogra­phique et Marc s’y montrait très vulnérable.”

“SHE WAS BORN TO BE MY UNICORN” (1969)

“Dans le texte de ce morceau, il déploie toute sa verve inspirée par Tolkien. Il s’était inventé un univers parallèle, une sorte de pays merveilleu­x où vivaient des elfes, des lutins et des magiciens. Et il voulait y croire. La fin des années 60 a été une époque très fertile pour Bolan, j’aurais aimé qu’il revienne à ça...”

“THUNDERWIN­G” (1972)

“Enregistré­e très vite à Copenhague, cette chanson témoigne de la passion de Marc, qui n’avait pourtant pas le permis de conduire, pour les voitures. Il inventait des noms. N’importe où dans le monde, et même avec un saxophonis­te baryton danois, on était capables de reproduire le son de T Rex (rires) ! Les violoncell­es, une autre composante clé, ont été rajoutés à Londres.”

“BELTANE WALK” (1970)

“C’est véritablem­ent à ce moment que Marc a viré électrique. Il s’agit d’une sorte de blues sublimé par un refrain qui emmène ailleurs. La chanson a été enregistré­e durant la même séance que ‘Ride A White Swan’, avec les mêmes violoniste­s. C’est là que j’ai commencé à doubler les parties de guitare de Marc avec des cordes et ça a été la naissance du son T Rex.”

“MAD DONNA” (1973)

“Je dois citer un titre de l’époque où Marc a essayé de faire évoluer sa musique et se montrait plus ouvert. Il y a un pianiste français qui joue sur cette chanson (vraisembla­blement Bernard Arcardio), et la fille d’un ponte de la maison de disques française de T Rex présente la chanson. ‘Mad Donna’, que Marc voulait funky, sonne un peu comme du Leon Russell. Des Blancs qui jouent de la musique de Noirs !”

Dandy du monde souterrain

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