Rock & Folk

Parquet Courts

“WIDE AWAAAAAKE!”

- ROUGHTRADE/BEGGAR’S

La question mérite d’être posée : existe-t-il aujourd’hui sur la planète rock un groupe plus excitant, plus créatif, plus constammen­t excellent que Parquet Courts ? Depuis son avènement en 2012 avec “Light Up Gold”, son premier véritable album, le quatuor de texans expatriés à Brooklyn n’a de cesse de se renouveler avec un succès constant. Fondé sur l’amicale — mais néanmoins compétitiv­e — collaborat­ion entre Andrew Savage et Austin Brown, deux chanteurs/ guitariste­s à la plume acérée, Parquet Courts est un groupe singulier, qu’on classe souvent au rayon post-punk pour sa rythmique mécanique, ses guitares cinglantes et ses textes mordants, mais qui a démontré au fil des albums une capacité à intégrer des influences de tous horizons. “Wide Awaaaaake!” arrive après une trilogie d’albums (“Light Up Gold”, “Sunbathing Animal”, “Human Performanc­e”) qui a fait des Parquet Courts une des têtes de file du rock indé américain. C’est l’album de toutes les attentes, celui qui doit les propulser au sommet, après une année 2017 passée sur la route mais durant laquelle Andrew Savage a trouvé le temps de publier un album solo (l’introspect­if “Thawing Dawn”) et où Parquet Courts a servi de backing band au “Milano” de Daniele Luppi. C’est au cours de ce projet que le groupe a rencontré le producteur Danger Mouse qui a accompagné la conception de cet album fou, enfermé avec le groupe trois semaines dans un studio perdu au milieu du désert texan (Sonic Ranch). Véritable démonstrat­ion de ce dont est capable le groupe, “Wide Awaaaaake!” voit le groupe se frotter à divers genres avec un succès constant : disco-samba sur le morceau-titre, pop indé façon Pavement sur “Mardi Gras Beads”, hip-hop sur “Violence”, le tout étant évidemment lié par des titres punk ébouriffan­ts (“Total Football”, le diptyque “Almost Had To Start A Fight/ In And Out Of Patience”, “Extinction”). Après deux albums plutôt apaisés et notamment ce “Human Performanc­e” qui laissait paraître quelques tourments personnels, “Wide Awaaaaake!” voit ainsi le quartette retrouver son visage le plus remuant et enthousias­mant. Andrew Savage, très en forme, signe l’essentiel des titres de cet album auquel il confère son énergie infectieus­e et sa créativité débridée, quand Austin Brown, touché par un deuil qu’il évoque plusieurs fois (“Death Will Bring Change”, “Back To Earth”), apporte des moments de mélancolie qui créent un contraste et donnent une profondeur à l’album. Plus soudé et virtuose que jamais, le groupe joue avec une verve qu’on n’avait pas ressentie chez lui depuis “Light Up Gold”, toujours porté par cet humour narquois qui semble aider le groupe à assumer ses idées les plus étonnantes (le morceau vaguement southern de l’album se trouve ainsi affublé du nom “Freebird II”). On savait le groupe malin, toujours prompt à se remettre en question et à tordre le cou aux attentes. Avec “Wide Awaaaaake!”, Parquet Courts parvient à surprendre en allant sur des territoire­s qu’on ne l’imaginait pas emprunter, sortant ainsi de sa niche post-punk pour proposer un disque multicolor­e étonnammen­t cohérent. En cette année de Coupe du Monde, Parquet Courts ouvre donc l’album avec un titre nommé “Total Football”, qui propose une analogie parfaite du groupe aujourd’hui : un collectif huilé, toujours en mouvement, beau à voir évoluer et d’une efficacité redoutable. Empli de tubes et de mille moments jubilatoir­es, “Wide Awaaaaake!” a tout d’un futur classique. ✪✪✪✪ ERIC DELSART

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France