Rock & Folk

Son esprit peut agir sur la matière Psychokine­sis

- DE SANGHO YEON

700 créations, de nouvelles séries à gogo, 8 milliards de dollars d’investisse­ment (2 milliards de plus qu’il y a deux ans)... Pour 2018, la plateforme Netflix donne un sacré coup d’accélérate­ur et fait désormais de l’ombre aux sorties en salles. On verra ainsi arriver d’ici la fin de l’année pas moins de 80 longs métrages produits directemen­t par le studio qui a mis en ligne, mi-avril, sa première production made in France (“Je Ne Suis Pas Un Homme Facile”, sympathiqu­e comédie sociale post-# BalanceTon­Porc) tout en continuant de fournir une flopée de films excitants dont la plupart sont à peine repérés faute de promotion (pas de projection de presse, pas de pub, peu de buzz). Et pour un Martin Scorsese dont on sait déjà qu’il sera en ligne en décembre prochain (le très attendu “The Irishman” avec Al Pacino et Robert De Niro), combien de pépites et de curiosités se retrouvent noyées dans cet océan de films. Comme “Jessie” de Mike Flanagan, excellente adaptation d’un bouquin glauque de Stephen King et un des meilleurs films d’horreur de ces dix dernières années ; le documentai­re “Au Fin Fond De La Fournaise” de Werner Herzog, voyage immersif et métaphysiq­ue dans l’intérieur d’un volcan ; “Les Affamés”de Robin Aubert, film canadien de zombies qui arrive encore à renouveler le genre ; “Wheelman” de Jeremy Rush, thriller d’action intense tourné (presque) intégralem­ent dans et autour d’une voiture ; “Small Town Crime” de Eshom et Ian Nelms, excellent polar noir et poussiéreu­x sur fond de biture et de mal de vivre ou encore le quasi expériment­al “I Am The Pretty Thing That Lives In The House” de Osgood Perkins (fils d’Anthony !) , histoire de fantôme sensoriell­e aux airs de roman gothique féministe du 18ème siècle. Et, depuis peu, le bien zinzin “Psychokine­sis” que les geeks du monde entier attendaien­t en salles depuis plusieurs mois mais que Netflix s’est accaparé à coups de billets verts pour le sortir directemen­t sur sa plateforme. Attendu, car réalisé par le coréen (du sud) Sang-ho Yeon repéré il y a deux ans avec “Dernier Train Pour Busan”, mélange de zombies hystérique­s et de catastroph­e ferroviair­e (des infectés attaquent des voyageurs dans un train roulant à vive allure) et un des rares films de genre ayant rallié critiques, public et succès commercial. Avec “Psychokine­sis”, Sang-ho Yeon raconte, sur un mode débonnaire, une histoire simple. Celle d’un homme au quotidien banal (il est agent de sécurité dans une banque) qui, un jour, s’aperçoit être doté d’un pouvoir particulie­r. Son esprit peut agir sur la matière. Dans un premier temps, il fait voler son briquet jusqu’à lui. Puis déplace de la vaisselle à distance. Et fait même danser sa cravate comme un serpent histoire d’impression­ner sa fille qui le renie vaguement depuis qu’il a abandonné la maison familiale. Pour regagner le coeur de celle-ci, le magicien malgré lui va l’aider à combattre une bande de mafieux qui veulent s’accaparer la zone où sa fille gère un restaurant de poulets frits. Tout pataud et gentil qu’il est, l’homme va utiliser ses dons en psychokiné­sie pour contrer la racaille... Simpliste donc... Sauf qu’à l’instar d’autres films de genre coréens, le cinéaste mélange les tons et les émotions : mélo familial (les rapports compliqués entre père et fille), comédie cantonaise (les méchants cabotinent comme ceux d’une comédie kung-fu à la Jackie Chan), pamphlet social (pauvres contre puissants) et ce jusqu’à l’impression­nante demi-heure finale, sorte de grand pas de travers dans l’univers des super héros. Comme si Spiderman était sous l’emprise d’un litre de téquila ingurgité cul sec, le brave monsieur Tout-le-monde manie ses nouveaux pouvoirs comme il le peut. Il rebondit sur les immeubles comme une balle de pingpong, met ses ennemis au tapis à distance par la seule force de sa pensée brouillée, passe à travers les fenêtres sans vraiment l’avoir calculé, pour finalement détruire une artère entière de ville dans un style très Godzilla. Le spectateur a l’impression de visionner une production Marvel, mais dotée d’un semblant d’âme. “Psychokine­sis” est un spectacle plaisant qui, il y a encore cinq ou six ans, aurait été un véritable ovni cinématogr­aphique. C’est désormais le quotidien de Netflix ( actuelleme­ntsurNetfl­ix).

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