Bearzatti/ Guthrie/ Modotti
“THIS MACHINE KILLS FASCISTS”
La Huit
En ce joli mois de mai de célébration de la contestation, on s’en serait voulu d’envoyer ces colonnes à l’imprimerie sans une pensée pour la dissidence. Malheureusement, cinquante ans après les fameux événements, ceux auxquels on assiste désormais trop souvent dans les rues de Paris ne donnent pas l’impression de résulter d’un excès de réflexion. En 2018, ceux qui refusent de se plier à vivre avec leur temps, tout en ayant bien compris que la musique, même correctement filmée, ne changera plus le monde, peuvent affirmer leur différence et faire preuve d’ouverture en acquérant ce DVD. On leur conseillera de s’armer de courage pour le dégoter puisqu’il est peu probable que les enseignes, désormais davantage électroménagères que culturelles, le stockent en masse, mais le jeu en vaut le cocktail Molotov. Déjà, il est question ici de jazz — joué par le saxophoniste Francesco Bearzatti et le Tinissima Quartet — qui n’a jamais été le style musical le plus docile et a souvent puisé sa force dans sa propension à ne pas refuser de se frotter à des répertoires ou des contextes auxquels on ne l’associe pas. Comme son titre l’indique, “This Machine Kills Fascists”, premier des deux concerts proposés ici, est une évocation réalisée par Stéphane Jourdain de Woody Guthrie, incontestable parrain de la chanson américaine protestataire, décédé un an avant 1968, non sans avoir clamé ce qu’en tant qu’homme de gauche, il pensait de son pays de droite. Le second, “Suite For Tina Modotti”, aussi sobrement filmé par Guillaume Dero, montre Bearzatti et son groupe lors d’un concert où ont été projetées des oeuvres de Modotti, photographe italienne des révolutions sans frontières dans les années 30, et activiste indomptée, jusqu’à la fin de sa courte vie.