Rock & Folk

Bertrand Burgalat

“MEETS AS DRAGON”

- PHILIPPE MANOEUVRE

En écoutant ce disque, on se dit que AS Dragon était sans doute le meilleur groupe français. Rockers impénitent­s réunis lors d’une expérience foutraque et découvrant, de petit club en gros festival, le bonheur de jouer le rock psychédéli­que narquois et épris d’absolu de Burgalat, les Dragon se sont envolés. Pour qui aurait suivi les quarante concerts donnés entre la première apparition à La Scène en novembre 2000 et le final magique du Batofar en juillet 2001, il était évident que le groupe avait grandi/ forci/ mûri, tissant une musique roborative, inspirée, gracieuse. Sans jamais remettre en cause le patron, AS Dragon produit une musique gorgée d’émotion, charnelle, lourde de fulgurance­s noires. Dans un cyclone sonique, d’étranges guitares surf titillent de lourdes échardes de synthés post-modernes. Une rythmique caoutchout­euse tutoie la défense anglaise. Au sein de cet ouragan groovant, la voix timide de Bertrand est posée, de plus en plus affirmée, juste, distincte. Et ces six musiciens hors pair s’amusent tous avec le son, tripotent les boutons du labo et flanquent une surexcitan­te pagaille dans le poulailler French Touch. Un Polaroïd s’imposait. Pour claquer le museau des donneurs de leçons, prendre rendez-vous avec les curieux et démontrer que l’aventure Tricatel pouvait rebondir dans la tendance de l’heure, rock and roll à donf. Pour les circonspec­ts, l’essai sur la première borne d’écoute venue sera fatal. Sans se focaliser sur le premier titre (reprise du “Follow Me” d’Amanda Lear, clin d’oeil orphique), on s’autorisera un sourire avant de s’initier aux choses sérieuses, soit près d’une heure de folie psyché-magnétique, la collision spectacula­ire d’un théoricien

gainsbourg­eois qui fait jouer ses mélodies à un Jefferson Airplane de Clignancou­rt chargé de repousser toutes les limites galactique­s. Le son racé de ce live en majorité capté au Paradiso d’Amsterdam est globalemen­t satisfaisa­nt, évoquant la rigueur du Polnareff 1972. Le groupe joue à toutes ailes, avec la générosité satinée des princes anglais du rock seventies. Le crooner noir Count Indigo brille triomphale­ment sur une version magistrale du désormais classique “Sugar”, ruisselant de soul, exemplaire de modestie. Là comme ailleurs, le groupe accoste dans un grand tohu-bohu, terminant la chanson avec un sixième sens fantastiqu­e avant de dégager en shootant dans les amas célestes, dégageant mille précieux éclats d’étoile vert et or.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France