Electrelane
“THE POWER OUT”
Mais qui étaient donc ces quatre filles à l’air austère qui posaient en costumes moyenâgeux ? Formé à Brighton en 1998 “pourconjurer
l’ennuidesécolesd’art”, Electrelane déboulait en 2004 avec le merveilleux ovni “The Power Out”, enregistré, comme tant de bons disques, par Steve Albini (Pixies, Breeders...). Après un premier essai instrumental dominé par l’orgue Farfisa (“Rock It To The Moon”, 2001), les quatre musiciennes ont eu le bon goût de se mettre à écrire des chansons. Dès le morceau d’ouverture partiellement chanté en français, la critique s’empressa de citer Stereolab. Si l’influence semble évidente, comme celles du krautrock, de Sonic Youth ou du Velvet Underground, le mieux est d’écouter Electrelane sans songer à les comparer. De ne penser qu’à la fraîcheur, à la formidable dynamique de cette musique jamais entendue auparavant. De se laisser transporter par sa beauté tandis que le morceau monte en intensité, propulsé par un long cri aigu. La batterie d’Emma Gaze, précise, possède le son reconnaissable entre tous des productions Albini. Les solos de guitare s’apparentent à un numéro d’équilibriste, Mia Clarke parvenant à donner l’illusion qu’elle improvise, alors que chaque note est bien sentie (c’est frappant sur “Take The Bit Between Your Teeth”). De haute voltige également, le chant de Verity Susman : toujours à la limite de la justesse, elle n’a pourtant pas peur de pousser sa voix fragile dans les hauteurs, de la faire descendre dans des tonalités trop basses pour elle... Le résultat pourrait être calamiteux, c’est tout le contraire : il s’en dégage un lyrisme et une sincérité qui émeut aux larmes. En parlant d’émotion, la pièce maîtresse de l’album, “The Valleys”, inspirée d’un poème du pacifiste gay Siegfried Sassoon, convoque une chorale harmonique, pour un résultat épique. Niveau littérature et langues vivantes, nos ex-étudiantes sont calées, citant Nietzsche en VO dans “This Deed” et chantant en espagnol sur “Oh Sombra !”. A la sortie de cet album ambitieux comme une oeuvre d’art, Susman déclarait “nese sentirbien quedansl’underground”. Son voeu fut exaucé, même si le groupe, catalogué lesbien féministe, devint culte après un troisième album, “Axes” (2005) contenant son lot de pépites — écouter absolument la reprise électrisante du “Partisan” de Leonard Cohen — et un sublime chant du cygne intitulé “No Shout, No Calls” en 2007.