Rock & Folk

Robert Wyatt

“ROCK BOTTOM” VIRGIN

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Robert Wyatt est une leçon de vie. Il est un batteur d’exception s’ingéniant à monter un nouveau groupe après l’expérience Soft Machine lorsque survient l’accident : chute d’un quatrième étage. Cloué sur une chaise roulante, Robert modifie ses projets, se met au piano et surtout il chante. Sa voix déjà entendue, spécialeme­nt dans “Moon In June”, devient soudain son instrument. On connaît l’importance de la voix : elle peut tout faire. Celle de Robert Wyatt peut coller des angoisses à n’en plus finir, annoncer les pires événements, tuer d’une remarque acerbe, dire qu’on est viré ou pire encore, et c’est soudain notre propre voix qui disparaît devant la détresse, elle qui fuit devant l’épreuve, révèle ce qu’on est, crache la haine, démasque notre trouble au pire moment. Notre voix peut mentir. Mais également aider à passer le cap difficile, dénouer des drames inconscien­ts, aider à s’endormir, rappeler des souvenirs, exprimer des sentiments, susurrer l’amour, appeler à la révolte, rassurer, dire la vérité... On peut la baisser d’un octave, la monter d’autant, la faire toute petite, gronder, hurler, chuchoter. Tout passe par la voix. C’est un son, une vibration qui peut mettre dans un état incroyable, coller des frissons, la chair de poule, bouleverse­r, rasséréner, remettre d’aplomb, convaincre, faire repartir pour un tour, apaiser, faire rêver. Simplement la voix... Des personnes peuvent n’être plus les mêmes en entendant juste une voix. Elle est le premier instrument, avant la guitare. Elle fait la différence entre un mauvais et un bon groupe, même si le guitariste est un dieu descendu sur terre. Alors, Robert Wyatt dans tout ça ? Il est la voix, celle qui fait du bien. Même si, dans ce disque, subsistent de mauvais relents de free music, réminiscen­ces de Machine Molle, Wyatt chante, il joue avec sa voix. “Rock Bottom” est un album qui a surpris puis obtenu des récompense­s considérab­les au moment de sa parution en 1974. Tous les bons l’ont immédiatem­ent remarqué, les autres ne sauront jamais. Lorsque deux qui savent en parlent, un quelque chose les rapproche instantané­ment. Mieux vaut donc faire partie du club de ceux qui ont cette voix dans leur vie. Il ne peut plus rien leur arriver. Un coup de cafard, une envie d’accompagne­r un bon moment et c’est tout de suite le geste qui sauve : simply Robert. Comment vivre sans ? Et pour quoi faire ? MARC LEGENDRE

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