The Last Shadow Puppets
“THE AGE OF UNDERSTATEMENT”
On voulait simplement faire un disque magnifique, un disque
pop” : voilà ce que clamait Miles Kane au moment de la sortie de “The Age Of Understatement”, unique tentative en duo avec son pote Alex Turner, lider maximo des Arctic Monkeys. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que nos morveux ont totalement réussi leur coup. Il est aujourd’hui saisissant de contempler les photos d’époque : Alex et Miles semblent deux gamins espiègles, insouciants, coupes au bol et sourires malicieux, loin, très loin des rockers au cuir burinés qu’ils sont devenus depuis. Il y a sept ans, donc, après avoir fraternisé lors d’une tournée commune des Monkeys et des Rascals (où Miles Kane sévissait alors), les deux garnements tentent carrément d’écrire un chef-d’oeuvre pop, les yeux dans les yeux, revendiquant la filiation de Scott Walker, David Bowie ou encore David Axelrod. Un batteur au jeu parcimonieux est recruté (James Ford) et les chansons sont ensuite enluminées par l’ex-Arcade Fire Owen Pallett, lequel ose des arrangements spectaculaires, grandiloquents, insistant sur de dramatiques cordes, et cela sans négliger les cuivres. Le projet est un peu fou, anachronique, mais fonctionne diablement bien. Il faut dire qu’il regorge de titres impressionnants, comme la chanson-titre qui ouvre le long format, haletante cavalcade striée de guitares fuzz, rappelant Ennio Morricone. Tout aussi cinématographique, la luxuriante “Only The Truth” pourrait figurer au générique d’un James Bond, à l’instar de la gothique “Separate And Ever Deadly” et sa mélodie de train fantôme, qui distille une ambiance de film de la Hammer. Les textes, scandés avec une gouaille typique du Nord de l’Angleterre, évoquent souvent l’être aimé, avec rage ou regret : c’est le cas de “Standing Next To Me”, de l’excellente “Calm Like You”, de la rampante “My Mistakes Were Made For You” ou de l’explicite ruade “I Don’t Like You Anymore”, unique titre à faire parler la poudre et faire rugir les six-cordes. Le formidable ensemble s’achève sur “The Time Has Come Again”, chronique délicate et apaisée du temps qui passe. Avec un son à la fois moderne et référencé, Alex Turner et Miles Kane ont enfanté quelque chose d’unique, un sommet de pop chic, jamais ringard, à la fois ambitieux et bravache. Très british, en somme.