Quicksilver Messenger Service
“HAPPY TRAILS”
CAPITOL 19 69
Aucun producteur, ni ingénieur du son n’est crédité, au groupe d’assumer seul la responsabilité du disque. Pourtant il ne s’agit pas ici de la retranscription d’un concert dans son intégralité mais de la juxtaposition d’extraits d’une série de shows donnés aux Fillmore East et West (juin 1968) auxquels s’ajoutent des titres pris sur le vif dans les Golden State Studios de San Francisco en novembre 1968. Sur scène, les cavaliers VifArgent avaient pour habitude de triturer les morceaux (souvent des reprises de blues ou de rock’n’roll) — certaines versions de “Who Do You Love” pouvaient dépasser 40 minutes — selon les dispositions mentales de leur public, et de propulser au premier plan les deux guitaristes, John Cipollina bien sûr, la figure la plus emblématique, et Gary Duncan, qui est bien mieux qu’un faire-valoir. C’est le “Who Do You Love” de Bo Diddley qui ouvre les débats. Décomposées en six séquences modelées selon l’inspiration de chacun des musiciens, ces vingt-cinq minutes de chevauchée électrique s’ouvrent sur un grand coup de basse dans le plexus avant que les guitares ne s’ébrouent à l’unisson et au galop. Une courte partie vocale, puis Gary When You Love Duncan de régaler d’un solo limpide, aérien et mélancolique. Bruitage, stridences, claquements de mains et percussions permettent à Greg Where
You Love Elmore de communier avec le public tout en évitant l’indigeste solo de batterie incontournable en cette fin des années 60. La tension atteint son comble à l’instant où explose le puissant vibrato de John How You Love Cipollina dans un moment de pur rock’n’roll. David Which
Do You Love Freiberg calme les esprits, et cette cavalcade extravagante se termine par un retour au beat primal et au chant. La fête reprend avec “Mona”, du même Bo Diddley, transfigurée une fois encore par un John Cipollina extraordinaire (vibrato et wah-wah), au doigté et au feeling rares. Sans rupture de ton, s’enchaînent “Maiden Of The Cancer Moon” et “Calvary”, deux titres dont la trame a été écrite par Gary Duncan, longs crescendos sonores, sortes de spirale improvisée (?) superposant des parties de guitare quelque peu orientalisantes et hispanisantes typiques de l’acid rock. L’album “Happy Trails” sera disque d’or aux USA mais, au-delà du succès commercial, il laissera une empreinte profonde et durable. PHILIPPE THIEYRE