Rock & Folk

The Rolling Stones “THE ROLLING STONES” DECCA

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1964

Quand Brian Jones fonde le Rollin’ Stones Blues Band, il a vingt ans et déjà donné une centaine de concerts solo en Grande-Bretagne. Maîtrisant le bottleneck et l’harmonica avec une classe unique, Brian Jones a une vision solitaire : il pense que le blues est une forme musicale populaire qui peut devenir grand public. Associé à un chanteur fasciné par l’Amérique (Mick Jagger) et un guitariste fan de Chuck Berry (nommé Keith Richards), le trio s’adjoint une rythmique valable (Bill Wyman, Charlie Watts) et ravage les clubs de Londres. Le chahut est magnifique. Très vite, la compagnie Decca (qui a raté les Beatles) décide de signer le jeune groupe. Officielle­ment produit par le manager Andrew Oldham (qui écrit les prophétiqu­es notes de pochette “Plus qu’un simple groupe, les Rolling Stones sont un

mode de vie”), ce premier effort marque surtout la sauvagerie du groupe, instantané­ment confirmée par l’ouverture “Route 66”. Ayant le contrôle artistique de leur destin, les Stones de 1964 décident de s’imposer comme le film porno de l’époque. Profitant de l’idiome blues, Jagger force le trait et se présente comme un étalon en rut, toujours prêt à sauter dans les draps. Au menu, du blues (“I Just Want To Make Love To You”, “Honest I Do” et “I’m A King Bee” avec le solo de slide infernal de Brian) mais aussi du rhythm’n’blues (“Can I Get A Witness”, “Walking The Dog”) et du rock’n’roll (“Carol”, “Mona”). Deux titres sont signés par le groupe en mode collectif, un par Mick et Keith (bizarremen­t c’est une ballade, “Tell Me” dont la longueur reste variable suivant les éditions). L’effet produit par cet album est indescript­ible. Soudain, le rock moderne pointe son museau. Arrogants, fiers de leur jeune insolence, les Rolling Stones imposent avec ce disque toutes les structures du rock garage. Des dizaines de groupes bad boys (des Pretty Things aux Standells, des Flamin’ Groovies à Aerosmith) trouvent là leurs tables de la loi. Beaucoup oseront relever la tête à l’écoute de cet album bancal, juvénile, mais dont l’enthousias­me collectif sauterait aux oreilles d’un sourd. PHILIPPE MANOEUVRE

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