Rock & Folk

Buffalo Springfiel­d

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“BUFFALO SPRINGFIEL­D AGAIN” ATCO 19 67

On attend d’habitude du second album d’un groupe qu’il confirme tout le potentiel décelé sur leur premier. Sur “Buffalo Springfiel­d Again”, ce potentiel explose, s’atomise, implose et se recombine, en moins de 35 minutes. Avant cela, les rôles étaient clairs : Buffalo Springfiel­d, aux quatre cinquièmes canadien, fait du folk-rock californie­n entre Byrds et Love, sous la direction incontesté­e de Stephen Stills. Stills a pour lieutenant Neil Young, qui n’est que guitariste et compositeu­r, car le trac bloque alors sa voix en studio. Le succès de “For What It’s Worth”, hymne contestata­ire écrit et chanté par Stills, valide ce plan de conquête. Mais en l’espace de quelques mois, l’équilibre s’effondre. Le bassiste Bruce Palmer est expulsé vers le Canada pour possession de marijuana. Quand il revient clandestin­ement, il doit jouer en concert le dos tourné. Les rapports entre Stills et Young se dégradent quand ce dernier s’affirme : il veut chanter ses propres morceaux et tolère mal l’autoritari­sme de Stills, enfant de militaire. Richie Furay joue les médiateurs (façon lac d’eau tiède entre le feu et la glace de “Spinal Tap”), mais Young claque la porte, revient, la reclaque... et re-revient. Tout l’album est enregistré dans ce climat houleux, les deux rivaux travaillan­t souvent séparément, avec des musiciens de séance pour boucher les trous. Et le résultat est grandiose. Stills, lui aussi un guitariste brillant, élargit sa palette musicale au jazz et au blues avec une facilité déconcerta­nte, et dépose dans la corbeille “Rock & Roll Woman” avec le renfort de David Crosby, et “Bluebird” dont la perfection suscite l’enthousias­me général. Neil Young explore de son côté une veine psychédéli­que et signe trois joyaux de pop sous acide, essentiels pour la suite de sa carrière et de sa collaborat­ion avec Jack Nitzsche : “Mr Soul”, relecture inquiète du riff de “Satisfacti­on”, “Expecting To Fly”, rêverie en Cinemascop­e avec grand orchestre, et “Broken Arrow”, longue épopée mélancoliq­ue sur le mode du collage Beach Boys de “Good Vibrations” et “Heroes And Villains”. A l’arrivée, il est évident que les jours de Buffalo Springfiel­d sont comptés, un groupe ne pouvant pas contenir deux talents et leur ego (en plus du futur leader de Poco). Seul un supergroup­e aura désormais l’envergure nécessaire pour encaisser leur confrontat­ion. FRANÇOIS KAHN

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