Musicalement, un succès. Financièrement, un désastre...
Cher Erudit, j’aimerais en savoir davantage sur VAN DER GRAAF GENERATOR. CLAUDE-ALAIN (courriel)
Reprenant le nom d’un générateur électrostatique inventé par l’ingénieur américain, Robert Van de Graaff, un premier groupe se forme en 1967 à l’université de Manchester autour de Christopher John Judge Smith, chanteur et percussionniste, parfois sur une machine à écrire, né en juillet 1948 et de Peter Hammill, chanteur, guitariste et pianiste, né le 5 novembre 1948 à Londres. Ils recrutent un organiste, Nick Pearne, et deux danseuses. Fin 1967, le trio enregistre une démo, “Firebrand”, qu’on peut écouter sur la compilation “After The Flood” (2013) sur Verne, regroupant des sessions de 1967 à 1970. En mai 1968,
Van Der Graaf Generator décroche un contrat avec Mercury. Smith et Hammill quittent alors Manchester pour Londres, Pearne étant remplacé par Hugh Robert Banton, un organiste de formation classique né en avril 1949 à Yeovil. S’ensuivent les arrivées de Keith Ellis, auparavant bassiste des Koobas et de Misunderstood, né le 19 mars 1946 à Matlock, et du batteur Guy Evans, né le 17 juin 1947 à Birmingham, lui aussi membre de Misunderstood. Mais c’est sur Polydor que le groupe sort, en 1969, son premier single, “People You Were Going To”/ “Firebrand”, dont la diffusion est rapidement stoppée par Mercury. Judge Smith décide de partir, créant une formation jazz rock avec le saxophoniste David Jackson avant d’entamer une carrière solo, notamment de compositeur de musiques pour le théâtre ou le cinéma. Malgré des prestations à la BBC et des engagements réguliers, le groupe se sépare en juin 1969 après le vol de son matériel, également découragé par l’imbroglio inextricable entre les maisons de disques. Peter Hammill commence l’enregistrement d’un disque sous son nom avec Ellis, Banton et Evans. Finalement, pour se libérer du contrat avec Mercury, l’album paraît seulement aux USA, sous l’appellation de Van Der Graaf Generator, “The Aerosol Grey Machine” (1969), mais passe totalement inaperçu. Keith Ellis ayant rejoint Juicy Lucy, Nic Potter, bassiste de Misunderstood après Ellis, né le 18 octobre 1951 dans le Wiltshire, et David Jackson, né le 15 avril 1947 à Stamford, sont intégrés au groupe pour “The Least We Can Do Is Wave To Each Other” (1970) sur Charisma, label fondé par leur manager Tony Stratton-Smith. Comme ce sera presque toujours le cas, les morceaux sont écrits ou coécrits par Hammill et arrangés par le groupe. Premier succès, l’album propose, ce qui deviendra la marque de fabrique de Van Der Graaf Generator, des morceaux longs, sombres, agressifs, angoissants à l’image de “Darkness”, “Refugees” et l’apocalyptique “After The Flood”, associés à des expérimentations sonores et portés par la voix unique de Peter Hammill. Etiquetée rock progressif ou psychédélique, mais, en réalité inclassable, la musique de Van Der Graaf fera des émules aussi bien du côté des punks (John Lydon, Mark E Smith) que des amateurs de Pink Floyd ou de Krautrock. “H To He Who Am The Only One” (1970) voit le départ de Nic Potter avant la fin des séances, les parties de basse étant prises en charge par Hugh Banton. Le guitariste Robert Fripp est invité sur “The Emperor”. “Killer”, un des titres emblématiques, est signé par Hammill, Banton et Judge Smith. Joué en quartette avec la participation de Robert Fripp sur trois morceaux, “Pawn Hearts” (1971) est un disque puissant, considéré comme le chefd’oeuvre du groupe, incluant “Man-Erg”, “Lemmings” et la vertigineuse suite “A Plague Of Lighthouse-Keepers”. “Pawn Hearts” est un énorme succès en Italie où le groupe fait salle comble lors de ses tournées. Peu soutenu par sa maison de disques et en proie à des difficultés financières récurrentes, Van Der Graaf Generator se sépare en août 1972. Hammill démarre une carrière solo, tout en faisant régulièrement appel à Banton, Jackson et Evans pour l’accompagner. De leur côté, ces derniers, avec Nic Potter, enregistrent en 1973 l’album instrumental “The Long Hello” sous le nom de Van Der Graaf Generator. En 1975, la formation de “Pawn Heart” retrouve le chemin des studios donne à nouveau des concerts : “Godbluff” (1975) ; “Still Life” (1976) ; “World Record” (1976). Départ de David Jackson, toutefois présent sur deux titres, et de Hugh Banton, qui sont remplacés par Nic Potter et le violoniste de String Driven Thing, Graham Smith. Van Der Graaf : “The Quiet Zone / The Pleasure Dome” (1977) ; “Vital” (1978), double live au Marquee avec Jackson et le violoncelliste Charles Dickie. Séparation en 1978. Après des apparitions de Banton et Jackson aux côtés de Peter Hammill et Guy Evans en public et sur l’album ”The Union Chapel Concert”, Van Der Graaf Generator renaît en 2005 : “Present” (2005), un double disque, dont la seconde partie est consacré à des improvisations ; “Real Time” (2007), live au Royal Festival Hall, sur Fie!, le label créé par Hammill en 1992. En trio, sans Jackson : “Trisector” (2008) ; “A Grounding In Numbers” (2011) sur Esoteric ; “Alt” (2012), un album instrumental ; “Merlin Amos” (2015), des concerts de 2013 ; “Do Not Disturb” (2016). Parallèlement, chaque musicien alterne carrière solo et collaborations. Ainsi, Guy Evans est le batteur des Subterraneans et Peter Hammill le plus prolifique de tous avec une cinquantaine d’albums à son actif sans compter les compilations et les collaborations.
Compilations : “Time Vaults” (1982/1985), inédits tirés des sessions de 1972 à 1975 ; “Maida Vale” (1994), enregistrements à la BBC entre 1971 et 1976 ; “The Box” (2000), coffret 4 CD.
Cher Erudit, j’aimerais savoir quels furent les premiers gros FESTIVALS ROCK ? ALEXANDRA (courriel)
Si, à San Francisco, le Trips Festival en janvier 1966 et le Human Be-In en janvier 1967 précédèrent le Monterey
Pop Festival, ce dernier, au début du Summer Of Love, est considéré comme le premier des grands festivals rock. Du 16 au 18 juin 1967, se sont ainsi succédés trente-deux groupes pour trois soirées d’anthologie filmées par DA Pennebaker. 200 000 spectateurs assistèrent aux shows des Jefferson Airplane, Byrds, Country Joe And The Fish, Animals, Quicksilver Messenger Service, Otis Redding, Big Brother And The Holding Company avec Janis Joplin, Who et autres Jimi Hendrix, découvrant des artistes encore peu connus du public américain A l’exception de Ravi Shankar, les musiciens jouèrent gratuitement. Le film “Monterey Pop” contribua grandement à la renommée du festival. A partir de 1968, des rassemblements de plus en plus gigantesques vont se multiplier aux Etats-Unis, à Miami, Los Angeles, Palm Springs, Detroit, Atlanta... avant
Woodstock les 15, 16 et 17 août 1969. En Europe, ce sont les trois éditions de l’île de Wight en Angleterre qui frappent les esprits. La première en 1968, avec Jefferson Airplane et T Rex en tête d’affiche, fut la plus cool et la plus modeste. Celle de 1969, une semaine après Woodstock, propose en tête d’affiche le retour de Bob Dylan qui n’était plus remonté sur scène
depuis son accident de moto en 1966. Elle attire plus de 200 000 personnes. En 1970, du 26 au 30 août, 600 000 pèlerins s’y rendent pour admirer Miles Davis, les Doors, Jimi Hendrix, Jethro Tull, Supertramp, les Who, Joni Mitchell... Quant à Hawkwind et aux Pink Fairies, ils se produisent sous un chapiteau extérieur en off et gratuitement (pour les spectateurs). Musicalement, un succès. Financièrement, un désastre. Après quelques échauffourées, la plupart des spectateurs assistent gratuitement aux concerts. Et, malheureusement pour les organisateurs, l’été de l’amour est déjà loin. Les héros du rock avaient considérablement augmenté leurs tarifs et encaissé une grosse partie de leurs cachets en avance et en espèces. Autres réunions musicales notables, The Stones In The Park et ses 400 000
spectateurs, Plumpton, Bath en 1969, Aix-la-Chapelle, Phun City à Worthing, Rotterdam, Glastonbury, en 1970. En France, le plus important et le plus innovant se déroule en réalité à Amougies, en Belgique, près de Waterloo suite à une série d’interdictions en région parisienne. Un festival parmi les plus fous et éclectiques jamais organisés, du 24 au 28 octobre 1969 quasiment jour et nuit, le festival Actuel, conçu par les disques Byg et le magazine Actuel, réunit sous un même chapiteau Frank Zappa, présentateur et improvisateur en rupture des Mothers Of Invention, Pink Floyd, Yes, Caravan, Pretty Things, Ten Years After, Freedom, Captain Beefheart, Soft Machine, Nice, etc., mais aussi la crème du free jazz, Art Ensemble Of Chicago, Archie Shepp, Don Cherry, Sunny Murray, de la musique contemporaine, le GERM de Pierre Mariétan, et les nouveaux groupes français, Ame Son, Zoo, Martin Circus, Wee Free, Gong, Cruciferius, Dog Dail, l’Indescriptible Chaos Rampant, entre autres. Deux films réalisés par Jérôme Laperrousaz en sont tirés, mais peu diffusés, “Music Power” et “Music Revolution”. Dès 1970, le phénomène va s’intensifier : Biot, Valbonne, Aix-en-Provence, mais aussi Nantes, Troyes, Le Bourget, Port-Leucate, Saint-Gratien, les Nuits des Halles à Paris, Bièvres, Auvers-sur-Oise... Les festivals français de la période 1970/ 1972 possèdent certains points communs : les organisateurs, souvent inexpérimentés et débordés face à un public entrant en force, prennent un bouillon financier quand ils ne partent pas avec la caisse ; les musiciens anglais et américains sont, en général, payés, les groupes français très rarement ; par temps caniculaire, les spectateurs mangent de la poussière, par temps de pluie, ils pataugent dans un marécage ; la gestion en est chaotique, nourriture et conditions d’hygiène notoirement insuffisantes ; des autorités locales pas toujours accueillantes et des policiers mettant parfois un terme abrupt à ces journées de paix, de musique et d’amour.