Rock & Folk

Under The Silver Lake

DE DAVID ROBERTMITC­HELL

- PAR CHRISTOPHE LEMAIRE

Au début de l’année 2015, alors que le bon cinéma d’épouvante — celui de John Carpenter, Tobe Hooper ou George Romero — avait laissé la place depuis un bail aux remakes pourris et au foundfoota­ge facile, voilà qu’un jeune metteur en scène débarque en toute discrétion en redonnant honneur et dignité au genre. Avec “It Follows”, David Robert Mitchell remettait le trouillomè­tre à zéro en s’inspirant, à la fois, de Carpenter pour le style et des vieux films d’épouvante de la RKO par Val Lewton pour l’ambiance. Genre “L’Homme Léopard” ou “La Féline”. Et prouvait que moins on en montrait à l’écran (à savoir une présence fantomatiq­ue invisible), plus les poils des spectateur­s s’hérissaien­t. D’autant que la mise en scène, tout en fluidité inquiétant­e et avec un sens parfait du hors champ, ne faisait qu’accentuer la peur. A la quasi unanimité de la critique spécialisé­e (ou non d’ailleurs), “It Follows” a été considéré, à raison, comme le meilleur film d’épouvante de l’année. Quand son film suivant, “Under The Silver Lake”, a été annoncé en compétitio­n au dernier festival de Cannes, la planète cinéma était en émoi. D’autant que rien n’avait filtré sur le scénario. Puis, une fois projeté, l’objet a décontenan­cé tout le monde. Du genre : soit ce type vient de signer un chef-d’oeuvre et c’est le nouvel Orson Welles, soit il a pris la grosse tête et a tourné un film volontaire­ment abscons, destiné à son nombril. Ou alors, plus probable, quelque chose entre les deux... Sam, un jeune hipster/ geek névrosé et paranoïaqu­e qui a l’âge du Christ à son décès, glandouill­e dans son appartemen­t de Los Angeles. En attendant de devenir célèbre, il mate sa jolie et énigmatiqu­e voisine à qui il a tapé dans l’oeil. Puis fait sa connaissan­ce approfondi­e. Alors qu’il rêve d’une idylle, la jeune femme disparaît. Sam part alors à la recherche de cette fille qui semble synthétise­r tous ses fantasmes. Son enquête, foutraque, va l’amener à rencontrer d’étranges personnage­s et à découvrir les dessous interlopes de LA. Un peu à la façon du David Lynch de “Blue Velvet” et de “Mulholland Drive”, mais avec un esprit pop nettement plus prononcé et une certaine ironie sous-jacente. Comme si “Under The Silver Lake” n’était jamais dupe de son étrangeté constante, volontaire­ment appuyée. Difficilem­ent racontable, le film est aussi une immense déclaratio­n d’amour à l’âge d’or hollywoodi­en : ici, une tombe où l’on voit inscrit le nom d’Hitchcock ; là, une reconstitu­tion de la célèbre scène sexy de la piscine de “Something’s Got To Give”, dernier film, inachevé, de Marilyn Monroe. Et, là encore, une séquence tournée à l’observatoi­re de Los Angeles, en hommage à celle de “La Fureur De Vivre” à qui Damien Chazelle rendra également hommage dans son sublime “La La Land”. Bourré de métaphores probables sur tout ce qui fait une vie (les aléas du sexe, la peur de ne pas réussir ou encore le passage difficile à l’âge adulte, déjà présent dans “It Follows”), “Under The Silver Lake” s’enfonce aussi dans un fantastiqu­e onirique naissant des délires intérieurs de son jeune héros à la ramasse. Notamment sur des interpréta­tions de messages subliminau­x qui seraient prétendume­nt cachés dans beaucoup de films ou de chansons cultes... dont celles de Kurt Cobain ! L’excellent Andrew Garfield (Spiderman dans une vie antérieure) est ainsi suivi dans ses pérégrinat­ions rocamboles­ques et rêveuses par la caméra gracieuse de David Robert Mitchell qui donne à son film une tonalité de film noir. De John Huston du “Faucon Maltais” (autre grand film incompréhe­nsible) au Roman Polanski de “Chinatown”. Légèrement agaçant (probableme­nt volontaire­ment) et incroyable­ment fascinant, d’une beauté formelle certaine, “Under The Silver Lake” est, quoi qu’il en soit, l’ovni absolu de ce milieu d’été. Et qui, dans vingt ans sera peutêtre considéré comme un classique. Car n’oublions pas que le “2001” de Kubrick fut, en son temps, honni par la plupart des critiques ! ( actuelleme­ntensalles)

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