Rock & Folk

Tony Joe White

“Bad Mouthin’ ”

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YEPROC La première écoute déroute. Aucune trace de ces grooves sortis droit des marais et subitement déchirés par une fusée balancée avec un son sursaturé. La plupart des plages, ici, sont acoustique­s. Le soulier racle le sol pour battre le temps, les doigts s’arrachent sur les cordes, une goulée d’harmonica envoie un peu d’air dans la pièce. Tony Joe White a enregistré un album de blues et la chose, pour lui, est assez éloignée d’une production de BB King. “Bad Mouthin’ ” a été enfanté dans une grange et l’on subodore que les prises n’ont pas été nombreuses. Le ténébreux chanteur trace sa route comme bon lui semble depuis quelques décennies et, si ses oeuvres initiales sont celles passées à la postérité (“Polk Salad Annie”, “Rainy Night In Georgia”), ses derniers albums possédaien­t une consistanc­e remarquabl­e, du crépuscula­ire “The Shine” au brutal “Hoodoo”. Celui-ci est à part, fenêtre nostalgiqu­e sur la première musique qui le prit à la gorge dès l’enfance, le blues de Lightnin’ Hopkins, celui de Jimmy Reed, qui doit être le bluesman le plus cité parmi les guitariste­s de sa génération. Le “Boom Boom” de John Lee Hooker, seule trace de swamp rock, ou un “Heartbreak Hotel” poisseux à souhait sont, là aussi, peu ou prou le répertoire que le jeune guitariste défouraill­ait dans les bouges du Texas ou de Louisiane. White réchauffe d’ailleurs deux de ses toutes premières compositio­ns largement méconnues, “Bad Mouthin’ ”, échafaudée en 1964, et “Sundown Blues”. Un batteur et une guitare électrique­s viennent rompre la monotonie, mais c’est la voix qui vole le show, épaisse et moite comme la nuit qui monte sur les bayous et va bientôt tout envelopper. BERTRAND BOUARD

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