Un air de Mozart
Avec les huit sélectionnés du mois (parmi trente-deux arrivés à la rédaction), les projets de multi-instrumentistes sont à l’honneur : certains adoptent la formule duo et, grâce
Bien qu’il se présente comme un septette, Crossfire est, à la base, un duo regroupant, depuis 2015, une chanteuse anglaise à la voix limpide et raffinée et un guitariste français qui, de sa voix complémentaire, chante souvent en duo avec elle. Le premier album enregistré en Normandie explore les voies d’un folk rock tour à tour acoustique et électrique qui est placé sous le signe du voyage et parvient souvent à s’envoler dans les grands espaces grâce à son impact vocal et mélodique, au gré de onze compositions originales et d’une reprise convaincante de “Masters Of War” de Bob Dylan (“DriftingAshore”,crossfireofficial.com). Le quartette angevin Des Lions Pour Des Lions prône une liberté créative qui s’affranchit des genres au profit d’une transe artistique, dans le sillage de L’Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp et des Rita Mitsouko. Jonglant avec les instruments les plus divers (guitares, saxophone, trombone, flûte, thérémine, percussions), son premier album bouscule les codes musicaux en reprenant aussi bien un air de Mozart qu’un morceau des Rolling Stones et multiplie les effets vocaux en jouant sur les sonorités de textes anglais et français, pour un résultat aussi surprenant qu’addictif (“DervicheSafari”,Maaula Records,deslionspourdeslions.com). Originaire de Lyon, Brainbow a été fondé en 2012. Le groupe a sorti un premier EP, a recruté un cinquième musicien et raccourci son nom (initialement Alexis And The Brainbow, pour souligner l’importance du chanteur qui, depuis, a accepté de se fondre dans l’ensemble), a beaucoup tourné et a opté pour un virage vers le français, plutôt convaincant sur un tiers des titres de son premier album. La pop psyché reste sa référence essentielle mais s’est enrichie d’autres composantes (soul, hip hop) qui participent de sa force de séduction (“Brainbow”,Mikrokosm/MKRecords, facebook.com/brainbowtheband). Déjà repéré dans cette rubrique, JC & The Judas est un groupe bordelais évoluant entre folk, rock et pop et réunissant autour d’un chanteur d’origine anglaise un collectif évolutif, en l’occurrence neuf musiciens pour les besoins de ce troisième EP. Les cinq titres rassemblés bénéficient d’un mixage très réussi et de cette profusion instrumentale (guitares, clavier, orgue, trompette, saxo, batterie et percussions) pour imposer une luxuriance plus rock que les précédents essais, entre morceaux lascifs et accélérations musclées (“Ep.03”,DIYProduction, facebook.com/jc.and.the.judas, distributionInouïe).
Avec son nouveau projet, BlauBird, la chanteuse lyrique Laure Salbiak effectue une véritable métamorphose, thème dominant de ses textes en français, anglais ou yiddish. Composés par elle-même, ou en compagnie du leader des Yeux Noirs, les dix morceaux, portés par une voix hors du commun, s’ébrouent dans des contrées vaporeuses et apaisées, au confluent des musiques traditionnelles, du folk et de l’electro, revendiquant les influences croisées de Tom Waits et Portishead et adaptant avec bonheur un poème de Victor Hugo (“LaFinDeLaTristesse”, Microcultures,facebook.com/ blaubirdmusic,distributionDiffer-Ant). Depuis un an, le quintette Eva & Menades s’est constitué autour d’Eva, jeune chanteuse montée du sudest à Paris. Elle s’adonne depuis son enfance à une poésie sombre qu’elle défend désormais de sa voix rauque et parfois lyrique dans un environnement rock élaboré par ses quatre comparses et fortement marqué par les années soixante-dix et quatre-vingt. Ce premier EP illustre, dans son éclectisme, leur volonté commune d’arpenter différentes voies au service d’une ambition esthétique qui peut s’égarer mais atteint souvent sa cible (“Eva&Menades”, facebook.com/EvaMenades). Depuis 2014, le duo Ciro&Me expérimente à tout va du côté de Marseille pour composer un mélange où se télescopent les influences (rock, pop) et où prédomine l’électronique. L’un utilise basse et guitare, l’autre batterie et voix, et les deux recourent à des machines et à des invitées pour étoffer les parties vocales conçues de manière ludique. Leur second EP six-titres étonne par le parti pris bilingue (français et anglais) systématique de tous les textes, et par la haute énergie convulsive et déjantée qui l’anime (“SimpleCrash”,DoubleCProduction dc2,facebook.com/ciro&me). Pour son troisième album en sept ans, France de Griessen a opté pour un livre-disque luxueux. Déjà remarquée par ses précédents essais, dont des extraits apparaissent sur des BO de films de Bruce LaBruce ou de Virginie Despentes, elle a enregistré les dix chansons (souvent en anglais) à Los Angeles, assumant toutes les parties musicales en compagnie d’un musicienproducteur et recourant à des sons organiques (feu, clés, océan...) pour concrétiser sa conception d’un folk rock qualifié de “sauvage”, mais surtout très romantique et classieux (“Orpheon”, AAMEditions,francedegriessen.com, distributionBellesLettres).