Rock & Folk

Touchante, enfantine, naturelle

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Numbers JOHN RECHY Editions Laurence Viallet

John Rechy est un écrivain à part, peu connu du grand public et pourtant référence de la culture undergroun­d et de la culture gay depuis la parution de son premier livre, “La Cité De La Nuit”, en 1963, récit ultra choquant, à cette époque puritaine, de la vie transgress­ive d’un jeune prostitué homosexuel dans une Cité des Anges et une Amérique racoleuse et crépuscula­ire. “Numbers” ne s’éloigne guère de ce thème en l’occurrence autobiogra­phique et nous invite à suivre l’auteur, là encore à peine déguisé, dans une quête toute autant sexuelle que narcissiqu­e. Ex-prostitué, comme Rechy le fut longtemps, le héros, Johnny Rio, de retour dix jours à Los Angeles après trois années au vert, se lance dans une folle entreprise de séduction tous azimuts et cherche ainsi à se mesurer aux autres hommes dans une compétitio­n sexuelle affolante et affolée. “Numbers” l’annonce dès le titre, c’est le score qui importe, tout au moins en apparence, car dans le monde et dans la tête de Rio, ce sont justement les seules apparences qui semblent compter. Etre beau, sexy, désirable et surtout plus désirable que le voisin, sont les uniques préoccupat­ions du héros même si on comprend vite que cette succession de très brèves rencontres crûment sexuelles, ne sert qu’à flatter le narcissism­e pathologiq­ue de cet homme perdu dans ses ambiguïtés et qui croit qu’on ne se mesure que sur la fragile échelle du désir. Difficile aujourd’hui, sans doute, d’imaginer le choc des lecteurs des livres de Rechy à leur sortie, alors que l’homosexual­ité était encore, non seulement punie par la loi mais considérée comme une maladie psychiatri­que. Mais l’égal enthousias­me de la communauté gay à ces lectures, perdure à travers les nombreuses oeuvres que Rechy a inspiré à des artistes comme Gus Van Sant — qui, entre nous, lui a un peu piqué son “My Own Private Idaho” — David Hockney, Soft Cell et son titre “Numbers” ou même Jim Morrison qui mentionnai­t “City Of Nights” dans “LA Woman”.

Leonard Cohen Et Son Dieu DOMINIQUE CERBELAUD Les Impression­s Nouvelles

En règle générale, plus l’auteur est talentueux, plus les textes de ses chansons seront complexes et donc sujets à interpréta­tions diverses. Longtemps avant internet, comprendre les chansons en anglais de nos chanteurs préférés était presque un art en soi, nos langues étrangères étant au mieux passables, la plupart des allusions culturelle­s nous échappaien­t et bien malin celui qui pouvait vraiment piger les textes, sans parler bien sûr des sous-textes, eux, à peu près inaccessib­les. Parmi ces auteurs impossible­s à cerner avec certitude, Leonard Cohen figure bien sûr dans les premiers. Son parcours personnel, unique dans la musique, comme son écriture complexe gardent beaucoup de leurs mystères pour le non-spécialist­e. Le truc c’est que même lesdits spécialist­es de Cohen ne sont pas forcément équipés pour parler d’un élément central de la vie et de l’oeuvre de ce Juif bouddhiste : la religion ou, en gros, Dieu. Proprement inimaginab­le il y a peu, c’est un vrai spécialist­e du sujet, un religieux dominicain, fan devenu ami personnel de Cohen, qui s’y colle et son “Leonard Cohen Et Son Dieu” va en boucher un coin aux connaisseu­rs les plus sophistiqu­és. Car, si le monde originel de Cohen est bien sûr juif et qu’il en affiche les traces dans ses chansons, sa curiosité et son ouverture d’esprit expliquent les nombreux chemins que prit ce “prophèteap­aisé” pour comprendre et atteindre ce prodige de dieu qu’il espérait. Dominique Cerbelaud scanne ici littéralem­ent toute l’oeuvre de Leonard Cohen et y relève avec finesse les multiples allusions, citations, inspiratio­ns religieuse­s, issues de la Bible ou d’autres grands textes. Ce travail de bénédictin — pardon, c’était irrésistib­le — tient de la pêche miraculeus­e et l’abondance de la récolte surprendra les fans pour qui la plupart de ces évocations semblaient n’être que pure poésie quand, en fait, Cohen y continuait un dialogue intérieur inspiré et fervent. Précisons tout de même qu’il est recommandé d’être fan hardcore du placide Canadien pour se passionner vraiment pour cette enquête mais ce corpus va sans aucun doute permettre à beaucoup d’approfondi­r leur compréhens­ion de la très riche oeuvre de Leonard Cohen.

Amy Winehouse BLAKE WOOD Taschen

Scrutée, harcelée, attaquée par les médias déchaînés sur son cas, Amy Winehouse n’aura pas connu beaucoup de calme médiatique après le succès mondial de son album “Back To Black” et le spectacle tragique de ses abus est irrémédiab­lement associé à son nom et à son image. Seuls ses proches connaissai­ent d’elle d’autres facettes et c’est au tour du photograph­e Blake Wood de montrer Amy Winehouse telle qu’il l’a connu quand un véritable coup de foudre amical les a rapprochés juste après la sortie de l’album et qu’il a plus ou moins partagé sa vie pendant plusieurs années. Il était son bon Blake, quand le mauvais, Blake Fielder-Civil, son mari héroïnoman­e, l’entraînait dans un désastre annoncé. Le bon Blake, lui, la soutenait et lui tenait la main dans les moments difficiles. C’est ainsi qu’il fut invité à accompagne­r la chanteuse qui tentait de se refaire une santé à Sainte-Lucie, aux Caraïbes et qu’il la photograph­ia dans un des rares moments où, après l’arrêt des drogues, elle affichait une santé presque éclatante. Ce sont donc ces clichés que Blake Wood publie, dans un livre trilingue — mais aux textes hyper courts — qui nous offre donc un aperçu moins torturé de la chanteuse. Rieuse, détendue, dansant ou à cheval, Amy Winehouse apparaît ici plus touchante, plus enfantine, plus naturelle que jamais et cette perspectiv­e rend d’autant plus triste et révoltante sa disparitio­n précoce .“Parceque c’ était lui, parceque c’ était moi”, cette vieille rengaine de l’amitié, aurait sûrement, sous sa plume, fait un sacré refrain dont hélas, seules ces photos de paix fugace témoignent aujourd’hui.

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