Rock & Folk

Sa g-g-g-génération

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Keith Moon. Ce nom ! Cette vie ! D’une totale autre époque. Révolue. Mort un jeudi, il y a 40 ans. Le 7 septembre 1978, à 32 ans, comme un symbole du passage au nouveau monde après que le punk eut bazardé l’ancien. Au-delà du gamin anglais et du batteur atypique, c’est l’homme d’avant qui interpelle. Ce type disparu qu’il a, en partie, inventé. Que les spécialist­es d’aujourd’hui qualifiera­ient d’hyperactif ou de bipolaire. Concernant Moon, on pourrait carrément le diagnostiq­uer quadripola­ire tant il semblait incapable de choisir entre drogue, alcool, sexe et violence. Ajoutons la déconnade, aussi. Ne voyant surtout pas le verre à moitié plein ou à moitié vide — cette expression dont on nous rebat les oreilles — non, mais voyant le verre totalement plein et très vite, totalement vide, incarnant à lui seul au nom des Who, le précepte de “My Generation”, “hope I die before get old”, t-t-t-tu m’étonnes ! Poivrot, donc, intoxiqué, fêtard invétéré, violent, machiste sûrement, lourd, certaineme­nt, inventant avec d’autres mais assez précurseur en la matière, le modèle rock star excessive originelle. Celle des années 70. Petit mâle devenu alpha grâce au rock’n’roll, en phase avec l’éducation de garçon de sa génération, sans états d’âme, né en Angleterre après la guerre, conçu pendant les bombardeme­nts. Cabotin, souriant une dent en moins sur les photos d’époque. Saccageant les chambres d’hôtel — sa spécialité à lui était le dynamitage des toilettes — pulvérisan­t sa batterie et ses bolides avec la même désinvoltu­re. Rolls-Royce, Bentley, Ferrari parfois. Effrayant médecins et responsabl­es de santé publique. Gosse prolo devenu millionnai­re. Comme les footballeu­rs d’aujourd’hui ? Un peu. Comme George Best footballeu­r d’hier ? Assurément. Un môme richissime, se sapant gangster années 30, portant de la peau de loup et des bagouses à brillants comme les maquereaux de Donald Goines après avoir frimé, plus jeune, en Sta-Prest et T-shirt à cocarde. Inventeur de la posture et des excès du rock business mondialisé des seventies. Mais reconnaiss­ons à Moon The Loon d’avoir aussi personnifi­é le batteur rock. Mettant celui-ci dans la lumière. Mettant un nom sur une fonction précédemme­nt plutôt anonyme. Comme le fit John Bonham qui, on le sait, ne s’est pas épargné non plus et est mort jeune, lui aussi. A 32 ans.

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