Rock & Folk

RACE WITH THE DEVIL

Avec son éditeur-motard, retour en images sur un fascinant ouvrage documentan­t l’étrange faune parisienne des années 70, bandes de rockers et aspirants Hells Angels.

- Hugo Paillard

FILO, EDITEUR ET MEMBRE DES HELLS ANGELS PARIS, évoque sa dernière publicatio­n, “Race With The Devil” magnifique­ment imagé par le photograph­e Yan Morvan. Dans cet ouvrage, l’évocation d’un Paris rock’n’roll désormais englouti, qui vit la naissance des Hells Angels en France.

Vince Taylor, ses Gitanes, sa bière

Rock& Folk : Parlez- nous de Serious Publishing ?

Filo : C’est une boîte que j’ai lancée en 2010. Au départ, on l’a créée pour sortir un bouquin, “Le Dictionnai­re Français Des Films Pornograph­iques Et Erotiques”. Quand on l’a terminé, on l’a envoyé à plein d’éditeurs connus qui l’ont tous refusé. On s’est dit qu’on allait monter notre propre structure et le sortir nous-mêmes. Il a super bien marché, beaucoup de médias en on parlé... On s’est dit qu’on allait continuer. Serious Publishing surfe sur le Z, la contre-culture. On tire peu, 1000 à 1200 exemplaire­s. On sort des livres aussi bien sur la culture biker, le Wu-Tang Clan, La Souris Déglinguée, la magie, le porno... Au départ ce n’était pas évident. Sur ma moto, je m’occupais de la promotion de la distributi­on. C’est mieux organisé aujourd’hui, vous pouvez nous trouver partout en France, surtout dans des librairies spécialisé­es.

R&F : Qu’avez-vous voulu faire avec ce livre ?

Filo : Entre 1975 et 1979, le photograph­e Yan Morvan a suivi des rockers qui trainaient à République. Ils n’étaient pas tous en moto mais portaient néanmoins les couleurs des Hells Angels, avec des insignes faits maison. C’étaient des bandes de rockers qui sortaient pour les concerts... J’ai voulu faire un bouquin assez différent, en y mettant que des photos inédites bien sûr, et en ajoutant une nouvelle de Pierre Mikaïloff et surtout le témoignage de Loulou de Crimée. Ces photos valent le détour, je pense notamment à ce faux Hells qu’on voit en train de pisser dans le métro, ou cet autre sur le balcon de sa cité... Les mecs bricolaien­t des bécanes, on les voit rouler sur le périphériq­ue vide. On voit même Vince Taylor attablé dans un bistrot avec ses Gitanes, sa bière et, probableme­nt, sa copine d’un soir. Ce sont des photos d’un Paris et de sa banlieue qui n’existent plus ! R&F : Le livre n’est pas légendé ? Filo : Yan ne se souvenait pas de tous les lieux et des circonstan­ces, voilà pourquoi. Il ne se souvenait pas non plus forcément des prénoms, identifier n’est pas toujours évident, les gens hésitent... R&F : Certains veulent se faire oublier ? Filo : Morvan a eu des soucis avec l’un d’entre eux avec son livre “Gangs Story”, un type lui a fait un procès, interdicti­on d’éditer le livre sans supprimer la photo. Le type en question bosse dans la communicat­ion aujourd’hui, il a certaineme­nt envie de se faire oublier et renier son passé de jeune nazi. R&F : En tant que membre des Hells Angels, c’est important de raconter l’histoire du club ? Filo : C’est pour remettre les pendules à l’heure, Yan suivait des bandes qui se prétendaie­nt Hells sans l’être... La plupart étaient à pied, n’avaient pas de moto. J’ai fait intervenir Loulou de Crimée, membre fondateur et historique du club en France qui faisait la chasse à ces gars-la. Dans les années 60, le cinéma américain a sorti beaucoup de film sur la culture moto et notamment sur les Hells Angels avec des titres comme “Hells Angels ’ 69”, “Angels From Hell”... Pas mal de ces jeunes rockers français ont copié cette imagerie sans savoir ce que ça représenta­it, alors que c’était déjà quelque chose de très structuré aux Etats-Unis. En France, beaucoup s’étaient bricolés eux-mêmes des patches Hells Angels. D’ailleurs, on le voit sur les photos, c’était plutôt mal fait. Loulou et ses gars voulaient être les seuls à arborer la tête de mort ailée. Suite à un échange avec les Américains et le chapitre d’Amsterdam, l’ordre a été donné de faire le ménage à Paris. Pendant 2 ou 3 ans, ça a été violent... Les Hells Angels, en France, sont devenus officiels en 1981, avant il n’y en a pas.

Anciens infiltrés

R&F : La suite pour Serious Publishing ?

Filo : J’ai pas mal de projets pour les 3 ans à venir. Je fais exclusivem­ent les choses qui m’intéressen­t. Si je ne m’entends pas avec la personne, je ne le fais pas. Je suis assez sélectif. Là, j’ai des bouquins prévus jusqu’en 2021. Le prochain sera, une nouvelle fois, consacré aux bikers, avec la collaborat­ion de Jean-William Thoury. Il parlera de la littératur­e biker, des nouvelles, des témoignage­s d’anciens infiltrés ou d’anciens membres, quatre ans de boulot ! Après, je passerai à autre chose.

“Pas mal de ces jeunes rockers français ont copié cette imagerie sans savoir ce que ça représenta­it”

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