Rock & Folk

BIRTH OF JOY

Les Néérlandai­s ont décidé de se séparer après cinq albums de blues rock généreux. Concert d’adieu et explicatio­ns dans la ville de la galette-saucisse.

- Eric Delsart

APRES UNE DECENNIE de bons et loyaux services dédiés à la cause du rock, le trio néerlandai­s Birth Of Joy a décidé de tirer sa révérence. S’il y a toujours quelque chose d’émouvant à voir un groupe dans la force de l’âge décider de mettre fin à son existence, peu décident de célébrer leur dissolutio­n avec tant de panache et un tel sens de l’amitié.

Des classicist­es

L’histoire de Birth Of Joy, c’est celle d’un groupe d’un autre temps, d’un anachronis­me total au coeur des années 2010, d’un groupe obsédé par le rock des années 60 et 70 et qui n’a jamais eu comme désir de faire évoluer son esthétique vers quelque chose de plus contempora­in. Un trio guitare/ clavier/ batterie qui se décrivait luimême comme “Sixties on steroids” sur son site internet. Des classicist­es qui se sont rencontrés au conservato­ire sur les bancs de l’Académie Herman Brood à Utrecht. “Le premier jour, on nous a demandé de former un groupe avec d’autres élèves qu’on ne connaissai­t pas” se remémore le

claviérist­e Gertjan Gutman. “On devait faire une reprise, écrire notre propre chanson et jouer devant les autres élèves deux jours plus tard. On s’est trouvé des affinités en jammant. La connexion a été instantané­e, ça a été très facile. C’est ainsi qu’est né Birth Of Joy !” D’autres sessions ont suivi après les cours qui, de plus en plus, ont remplacé l’école. Peu à peu le groupe a développé son style, essayant d’intégrer un bassiste (“Ça a

duré 10 minutes”) tout en restant raccord avec ce qui avait provoqué cette attraction mutuelle. La reprise choisie lors de leur rencontre avait été “Break On Through” des Doors, comme un signe avant-coureur de ce que serait, pour la décennie à venir, la base de ce groupe où, façon

Ray Manzarek, la basse est jouée au clavier et où le charismati­que chanteur, Kevin Stunnenber­g, possède une capacité surnaturel­le à s’approprier les maniérisme­s de Jim Morrison. C’est grâce au flair de Jean-Louis Brossard, programmat­eur des Trans Musicales de Rennes, que le groupe a décollé en 2012. Repéré au festival Eurosonic de Groningue, le trio s’est retrouvé propulsé quelques mois plus tard aux Trans devant plusieurs milliers de festivalie­rs qui ont adoré les envolées blues rock du groupe. “Les gens étaient tellement enthousias­tes et passionnés pour le rock’n’roll, ils chantaient avec nous alors qu’on jouait ici pour la première fois. Ça a été une

révélation” se remémore le chanteur Kevin Stunnenber­g. Un moment de grâce qui a donné des ailes au groupe, pour lequel les sollicitat­ions internatio­nales se sont multipliée­s. Les tournées se sont enchaînées aux quatre coins du monde, le groupe allant même jusqu’à donner 170 concerts en 2014, soit près d’un jour sur deux.

“Je vivais dans une valise” s’en amuse le chanteur, qui profitait de ses rares temps morts pour composer et enregistre­r. Absorbé par sa musique au point d’écrire constammen­t, Birth Of Joy a ainsi publié cinq albums studio en dix ans, toujours dans ce même rayon blues rock aux contours stoner, avec, en 2014, un sommet, le puissant “Prisoner”. Sans surprise, la formule s’est quelque peu érodée au fil du temps, l’exaltation des débuts aussi. “Nous ne nous arrêtons pas parce que nous sommes fâchés ou à cause de problèmes d’argent, c’est juste qu’il est temps de passer à autre chose. Mais pas question d’être tristes”, précise Gutman. “Après tout, nous sommes Birth Of Joy” s’amuse Stunnenber­g.

Mort dans la joie

Il sera donc écrit que Birth of Joy est mort dans la joie, même si le groupe qui a donné en cette fin décembre son ultime concert français à Rennes n’est plus ce feu follet qui y avait enregistré un flamboyant “Live At Ubu” (dantesque triple album vinyle contenant pas moins de 26 morceaux). Histoire de boucler la boucle, la dernière française du groupe a eu lieu en cette même salle de l’Ubu, et le concert de deux heures donné devant un public acquis et une salle complète depuis de nombreuses semaines fut un final à la hauteur de ce groupe jamais aussi à l’aise que sur scène. Evidemment, le trio le reconnaît luimême, par la voix de Gertjan Gutman : “Nous

ne nous arrêtons pas vraiment” et sort la rengaine de la pause indéfinie. Oui, il y aura probableme­nt d’autres concerts de Birth Of Joy dans le futur. Dans 5, 10, 15 ou 20 ans ? On ne le sait encore — tout groupe classic rock qui se respecte se doit de faire une tournée de reformatio­n par décennie, non ? — mais cette date rennaise était l’ultime chance de voir le groupe au temps de sa splendeur. Merci messieurs, et à bientôt pour d’autres aventures. ★

“Il est temps de passer à autre chose”

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