Deux visions
Elvis Costello, Steve Jones. Deux profils, deux types d’allure, deux styles rigoureusement opposés. Il n’y a qu’à comparer leurs bouquins. D’un côté Costello, homonyme d’Elvis, volontiers critique, cérébral, apôtre d’un divertissement raffiné, ambassadeur consensuel (à la Maison Blanche d’Obama), mélomane polymorphe adoubé par ses pairs prestigieux (Dylan, McCartney, George Jones, Allen Toussaint, The Roots...). Costello et son“costume à sept livres ”, son petit ampli Vox posé sur l’oreiller “crétin romantique” autoproclamé, à la mémoire encyclopédique, exhaustive, au style soutenu, voire enrobé, bavard : celui qui joua sur l’ancienne Rickenbacker de George Harrison et vénère les accords de septième majeure, sixième mineure et les accords diminués issus des songbooks de chansons des Beatles. Jamais avare de bons sentiments. Sa formule définitive : “C’ est de la musique pop, mais pas duCluedo”. Son principal fait d’arme subversif : avoir interrompu en direct durant le “Saturday Night Live” la chanson “Less Than Zero” après en avoir chanté seulement les deux premiers vers, avant de s’excuser auprès du public et d’enchaîner, contrairement à ce qui était prévu, sur “Radio Radio”... De l’autre côté, j’ai nommé Steve Jones, fan d’Elvis, frontal, brut et tranchant, épouvantail à rupin par excellence, non-consensuel, non-politiquement correct, instinctif, primitif aux anecdotes licencieuses, à la mémoire partielle, trouble, limitée. Steve Jones le hors-la-loi, avec son matos barboté à l’Hammersmith Odeon, à Bowie notamment, ses forfaits criminels, ses loques façon filet de pêche dépenaillées, mouchoir noué sur ses tifsincoiffables, son esprit chevaleresque, sa dévotion rock’n’roll légendaire (97 ème plus grand guitariste detouslestemps! selon Rolling Stone). Lui qui joua sur la Gibson Les Paul de Sylvain Sylvain, celle avec “lesdécalcos efféminées” (Chrissie Hynde) de pin-up. Abhorre ces“saletés d’ accords de septième set de onzièmes à la Beatles ”. Fuit les sentiments. Héros d’un face-àface historique avec l’animateur télé Bill Grundy. A l’effarement de Costello : “On aurait cru que la civilisation vivait ses dernières heures !”. DESIRE DUROY