Rock & Folk

ERIC CLAPTON : LIFE IN 12 BARS

Lili Fini Zanuck, réalisatri­ce, raconte son immersion filmique dans la tumultueus­e carrière de Slowhand.

- RECUEILLI PAR OLIVIER CACHIN Docu ment aire“Eric Cl ap ton: Life In 12 Bars” de Li li FiniZanuck( en salles)

“J’ai pensé au suicide, mais je me suis dit que si j’étais mort, je ne pourrais plus boire”

L’intro de ce film fleuve n’est pas innocente : on y voit Clapton en mai 2015, en mode vidéo selfie, évoquer sa tristesse suite au décès du génial BB King tout en regrettant qu’ “onne puisse pas dire grand-chose de plus parce que cette musique appartient quasiment au

passé”. Et c’est du passé qui ne passe pas dont on va parler durant 133 minutes, durée de ce document signé Lili Fini Zanuck qui remonte le temps et tente d’éclaircir les multiples zones d’ombre d’une vie faite de démesure, de chutes et de résurrecti­ons.

Cognac dans la matinée

“Eric m’a contacté car des connaissan­ces à lui voulaient réaliser un documentai­re mais il ne se sentait pas à l’aise avec l’idée, sauf si c’était moi qui m’en chargeais. Je lui ai dit que j’allais venir le voir à Londres, on a discuté et je lui ai dit OK” se souvient Lili, veuve du fameux producteur Richard Zanuck et titulaire d’un Oscar en 1990

pour “Driving Miss Daisy”, qu’elle produisit. Lili est de bonne humeur ce matin, elle vient d’apprendre qu’elle était nommée aux Grammy Awards pour “Life In 12 Bars”. Elle connaît Eric depuis 28 ans, lorsqu’il composa la musique du film “Rush” alors qu’il venait de perdre son jeune

fils victime d’un tragique accident. “Quand je lui ai proposé de travailler sur la BO, son bébé était vivant, et il est mort pendant la postproduc­tion. Il a accepté après avoir vu le film et c’est ainsi qu’est née sa chanson ‘Tears In Heaven’. Il me l’a offerte, mais c’était si personnel qu’il ne voulait pas que ça sorte en single ou que ça lui rapporte de l’argent, et il s’est dit que s’il cachait le morceau dans une BO, il trouverait son public de façon plus organique. Et c’est devenu un hit rien qu’en étant inclus dans la musique du film”. Cette tragédie intime est longuement évoquée dans le documentai­re, tout comme l’est la relation mortifère que Clapton a connu avec les drogues et l’alcool, ainsi que ses déclaratio­ns racistes et son soutien au politicien populiste Enoch Powell. Le genre de pénible controvers­e qu’on

imaginerai­t évoquée dans un film non autorisé, sauf qu’ici, Eric Clapton a validé la démarche

de Lili. “On a une relation basée sur la confiance, Eric sait qu’il ne faut pas me raconter de salades. Il savait que j’allais sortir ce dossier, et il était OK avec ça. J’ai moi-même été surprise car, aux USA, personne n’a vraiment parlé de cet épisode, et ça m’a choqué. Mais quand il a tenu ces propos racistes, il était bousillé, il descendait une bouteille de cognac dans la matinée et sniffait de la coke sur un couteau pour le déjeuner.” Une phrase inoubliabl­e de Clapton incluse dans ce film stupéfiant : “J’ai pensé au suicide, mais je me suis dit que si j’étais mort, je ne pourrais plus boire.” On mesure ici l’intensité de l’addiction à l’alcool qu’a connu le musicien, et si le film se conclue par un relatif happy end avec la vibrante dédicace de BB King à celui qu’il considère comme son ami, “le meilleur et le plus gracieux des hommes que j’aie connus”, il ne néglige aucun des nombreux squelettes trouvés dans les multiples placards de celui qui est sans conteste l’un des guitariste­s les plus doués et influents de sa génération. Mais si on parle de rock, et donc de drogue, le sexe n’est pas négligé. Pourtant, les témoignage­s de ses conquêtes sont relativeme­nt peu nombreux. “Vu qu’Eric est une rock star, il y a eu des milliers de filles, mais j’ai choisi de me concentrer sur celles qui ont été importante­s pour lui”, se justifie Lili. Il y a bien sûr Pattie Boyd, fiancée de George Harrison et inspiratio­n pour “Something” (incluse sur “Abbey Road”) à qui Clapton fit une cour effrénée, et aussi la top model française en exil londonien, Charlotte Martin. Celle qui partagea sa vie dans les années Cream se souvient : “On avait 18 ans, on allait dans les clubs tous les soirs et c’est là qu’Eric m’a accostée, au Speakeasy. Que je sois française a eu un grand effet sur lui, il était très fier, il aimait les poètes, la Nouvelle Vague. C’était très excitant et nouveau pour moi. Eric est un guitariste de génie, et les génies ne sont pas les plus à l’aise pour communique­r. Pour ça, il prenait sa guitare.” Après sept ans de mariage, Charlotte se sépare d’Eric et fait un enfant avec Jimmy Page.

Tactique de la groupie

Précision importante : Charlotte n’était pas une groupie. “J’avais très peur de ces femmes-là. J’étais très innocente et j’ai vu leurs manoeuvres pour approcher les musiciens. Une tactique classique de la groupie, c’était de devenir très

amie avec la copine du musicien”. On ne voit pas Charlotte aujourd’hui dans “Life In 12 Bars”, Lili ayant pris le parti de ne garder que les témoignage­s audio, un choix qui permet de voir plus d’images vintage et de rêver à ces créatures légendaire­s sans constater les outrages des ans. Avant de conclure, Charlotte a une question : “Vous connaissez Philippe Paringaux ? C’était un très bon ami à nous, on le voyait toujours avec Eric quand on passait à Paris, alors si vous le croisez, vous lui direz bien des choses de ma part”. ★

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France