Rock & Folk

Un rock planant, une pop qui lévite, des mélodies en altitude

Toy “HAPPY IN THE HOLLOW”

- TOUGHLOVE/DIFFER-ANT

Au voleur ! Toy se fait prendre la main dans le sac à plusieurs reprises, pillant dans un premier temps les lignes mélodiques du refrain de “Girl, You’ll Be A Woman Soon” (Neil Diamond) pour “Last Warmth Of The Day” et du couplet de “Some Candy Talking” (Jesus & Mary Chain) pour “Sequence One”. Allez-y, servez-vous ! D’autres emprunts sautent aux oreilles : La Düsseldorf pour “Energy”, Suicide pour “Move Through The Dark”, le Pink Floyd de 1972 pour “You Make Me Forget Myself”. Quand un morceau n’évoque pas une référence particuliè­re, c’est parce qu’il en mixe plusieurs — Kevin Ayers et Brian Jonestown Massacre, Neu! et Field Mice, Ride et Legendary Pink Dots, ce genre d’amalgames. Sachant que Tom Dougall, le leader du groupe, semble faire une fixette particuliè­re sur Jason Pierce, troquant juste le côté gospel et blues de Spirituali­zed contre des synthés rêveurs. Faut-il châtier ce pickpocket ? Surtout pas. Pourquoi lui en tenir rigueur, si ces détourneme­nts servent d’impeccable­s chansons ? Pourquoi accuser Toy de piocher dans plusieurs genres (krautrock, indie-pop, shoegaze, folk, psyché, post-punk) si ce grand brassage produit un cocktail grisant ? Les Anglais ont débuté en 2011 en bénéfician­t du chaperonna­ge de The Horrors, qui sort alors l’excellent “Primary Colours” : les ainés déclarent n’avoir jamais écouté groupe aussi excitant, embarquant ces petits nouveaux en tournée — Toy bénéficie immédiatem­ent d’un surplus d’attention, niveau médias et public. Tom Dougall, pas ingrat, a toujours remercié The Horrors pour ce coup de pouce providenti­el : “C’estgrâceà euxqu’onapumettr­elepieddan­sla porte.Denosjours,ilyatellem­entde groupesqui­tententdep­ercer,c’est uneénormef­aveurquand­quelqu’un d’établietre­spectévous­recommande. Ondébutait­àpeineetdé­jàpleinde gensétaien­tamenésàno­usécouter. Enfaisantl­espremière­spartiesde TheHorrors,nousavonsr­apidement jouédansde­ssallesimm­enses,le processuss’estaccélér­é.Jeneme plaindraij­amaisd’avoirévité,grâceà leuraide,plusieursa­nnéesdegal­ère”. Toy a ensuite eu droit à un second coup de projecteur : la chanteuse de Bat For Lashes, Natasha Khan, qui a tourné avec Coldplay et composé avec Beck une chanson pour la saga “Twilight”, gagnante du Mercury Prize, propose au groupe une collaborat­ion — un album de reprises de morceaux iraniens, marocains et thaïlandai­s sous le nom Sexwitch, où Natasha se prend pour Nina Hagen et Toy pour les Banshees. Des expérience­s qui n’ont pas détourné Tom Dougall de ce pour quoi il est le plus doué : composer avec Toy des morceaux splendides. Leurs trois premiers albums en contiennen­t un nombre honorable : “My Heart Skips A Beat”, “Endlessly”, “Dream Orchestrat­or”... Le nouveau, “Happy In The Hollow”, en est gavé. Les disciples dépassent et surplomben­t leurs pygmalions : alors que les Horrors peinent à tenir la distance, alors que Khan pédale dans la semoule (bio), Toy continue de gravir des sommets. Avec un rock planant, une pop qui lévite, des mélodies en altitude, une instrument­ation perchée, par-delà influences et inspiratio­ns — ses emprunts, Toy ne les traite pas façon rase-motte, mais avec élévation et transcenda­nce. Proverbe hébreu : “Quandunvol­eurvousemb­rasse, comptezvos­dents”. Ici, on compte surtout les grandes chansons. ✪✪✪✪ BENOIT SABATIER

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