Bertrand Belin
“Persona” WAGRAM
Bertrand Belin est insidieux. Il s’est infiltré, l’air de rien, dans le paysage musical. Entre ses albums solo, ses participations à des BO de films ou ses collaborations choisies (“Dimanche”, la superbe chanson hypnotique sur l’album “Shadow People” des Limiñanas, c’était lui), ses romans, il est un peu partout. Le pire, c’est que Bertrand Belin est insidieux, mais séduisant. Et unique en son genre, n’en déplaise à ceux qui l’ont vite classé dans la catégorie héritiers deBashung parce qu’il ne chante pas en haute-contre... Le Breton a un phrasé à lui, plus parlé que chanté, un détachement élégant, un timbre de velours qui donnerait du relief aux paroles les plus banales (même si ce n’est pas son style, la banalité). Il est impeccable en conteur moderne qui contemple le monde avec une distance qui ne fait pas illusion. Car, sous la façade de dandy désinvolte promenant sa nonchalance sur des mélodies languides tout en nappes de claviers, on le sent à fleur de peau, plus doué pour manier la tension subtile que l’explosion. Ce sixième album est parcouru d’une mélancolie et d’une atmosphère synthétique héritées de la new wave, sans virer au pastiche. Les paroles ne priment pas sur la musique (tic assez répandu du madeinFrance), et pourtant, méritent qu’on s’y attarde, qu’on savoure ces images qui font mouche (“onannonce unétédecanadairs...”, cette histoire d’oiseau qui petit à petit fait “son bec” ou “Sur Le Cul”, réflexion sur le monde, grinçante et absurde). Et il ne faut pas longtemps pour que ses mélodies s’infiltrent dans la mémoire, même si de prime écoute, elles ne jouent pas la carte catchy. Il est insidieux, Bertrand Belin. Et tant mieux. ✪✪✪ 1/2 ISABELLE CHELLEY