Soit parfaitement indigent, soit étrangement beau
The Rising Storm “CALM BEFORE...” Sundazed (Import Gibert Joseph)
Un autocollant le précise pour ceux qui ne le sauraient pas (tout le monde) : il s’agirait du “disqueleplusraredu monde”. On a tellement de contre exemples que l’outil marketing, galvaudé depuis des décennies, prête à sourire, mais l’histoire de The Rising Storm est intéressante... C’est celle de jeunes gamins venant de la région de Boston (Remains) qui ont économisé 1000 $ pour passer cinq jours en studio et y enregistrer un album pressé à 500 exemplaires, vendus rapidement à sa sortie en 1967. Le groupe est vénéré par les fans de garage et du sondeBoston, même si leurs morceaux dans le genre garagiste ne sont pas particulièrement fabuleux et que ce sont leurs étranges ballades (“A Message To Pretty”, “Frozen Laughter”, “To LN/ Who Doesn’t Know” ou “Mr Wind”, féerique), mélodiques et mélancoliques, qui les distinguent de la horde de groupe garage pullulant aux Etats-Unis à l’époque. Là, les Rising Storm se rapprochent d’une délicatesse façon Love, avec moins de moyens, évidemment. D’autres titres, avec un peu de fuzz, comme “She Loved Me” donnent dans une pop garage typiquement bostonienne. Bref : on s’attendait à l’énième arnaque du génie méconnu, mais l’écoute d’un morceau sublime comme “The Rain Falls” montre que The Rising Storm mérite pleinement le culte dont il fait l’objet. Ce n’est pas toujours le cas.
The Durutti Column “M24J (ANTHOLOGY)” Factory Benelux (Import Gibert Joseph)
Pour découvrir l’univers complexe de Vini Reilly (est-il un authentique génie ou a-t-il passé plus de trente ans à explorer le mode d’emploi de sa pédale de delay Boss DD3 ?), cette double compilation semble être la porte d’entrée idéale. Regroupant des enregistrements étalés entre 1979 et 2011, “M24J (Anthology)” déroule lentement, mais sûrement, les instrumentaux aquatiques du guitariste accompagné de ses bandes, comme une sorte de prolongation post-punk de l’ambient créé par Eno, en volontairement moins simpliste. Ethéré, irréel, tout cela peut paraître soit parfaitement indigent, soit étrangement beau à sa manière. Parmi les choses les plus poignantes contenues dans cette généreuse compilation (comptant plusieurs enregistrements en public et de nombreux hommages à feu Tony Wilson de Factory Records), “The Missing Boy”, dédiée à Ian Curtis, que Reilly avait eu au téléphone une semaine avant son suicide...
Spacemen 3 “FORGED PRESCRIPTIONS” Space Age (Import Gibert Joseph)
Difficile à trouver depuis sa sortie initiale en 2003, “Forged Prescriptions” est de retour dans les bacs, et c’est une aubaine pour ceux qui avaient raté le coche à l’époque. Collection de démos, mixes alternatifs, versions singles et inédits de la période où Sonic Boom et Jason Pierce avaient conçus “The Perfect Prescription”, en 1987. Pour les fans de ce groupe hors-norme, c’est un cadeau précieux permettant d’explorer les obsessions du duo, de The Red Krayola (“Transparent Radiation”), à Lou Reed (“Ode To Street Hassle”, splendide) en passant par Roky Erickson (“We Sell Souls”, datant des Spades, soit avant les 13th Floor Elevators), ou Sun Ra selon les MC5 (“Starship”). Bourdon, Farfisa, Vox et claviers divers garantis pour ce qui fut le groupe le plus psychédélique de son temps.
Sonic Youth “I WANNA BE YOUR DOG — RARE TRACKS 1989-1995” TV Party (Import Gibert Joseph)
Aux maniaques de SonicYouffe, signalons cette compilation de titres live enregistrés pour différentes émissions de télé (et vu que c’était pour la télé, le son est très bon). Il y a des versions très énervées de “Kool Thing”, “Silver Rocket” ou “Self Obsessed And Sexee”, mais les fanatiques voudront avant tout écouter la
version de “I Wanna Be Your Dog” avec le regretté Rowland S Howard.
“JUST A BAD DREAM — SIXTY BRITISH GARAGE AND TRASH NUGGETS 1981-89” Cherry Red (Import Gibert Joseph)
C’est une histoire oubliée, en gros, la face B de l’Angleterre des années 80... Les groupes réunis dans ce coffret offrant pas moins de soixante morceaux n’avaient jamais l’honneur de figurer dans les pages du NME ou du Melody Maker (Sounds, éventuellement), et donc encore moins dans celles de Best ou de Rock&Folk. Et pourtant, ces groupes eurent un succès certain en leur pays et dans d’autres comme la France, et étaient défendus et soutenus surtout par les vaillants fanzines : Cannibals, Thee Mighty Caesars, Prisoners, The Green Telescope, The Delmonas, Thee Headcoats, The Escalators, The Stingrays, The Sid Presley Experience (futurs Godfathers), The Primevals, les Barracudas (seules stars ici, avec les Inmates, Naz Nomad & The Nomads — projet parallèle des Damned — et les Jesus And Mary Chain reprenant le “Vegetable Man” de Syd Barrett), Sting-Rays, etc. En gros, c’est la musique qu’écoutaient les scooter boys, des gars en jeans bleachés et bombers chevauchant des scooters découpés et transformés au maximum (c’était, en quelque sorte, du tuning postmod) avec des coupes de cheveux psychobilly. Car, sur ces trois CD, le trip se divise en trois catégories : ceux qui s’adonnent à un revival garage, d’autres au néopsychédélisme, les derniers donnant dans le genre bourrin nommé psychobilly, et dont les chefs de file étaient les Meteors et King Kurt. Ces gens que tout le monde à oubliés (il faut dire qu’on peut très bien vivre sans les Meteors) ont pourtant connu leur heure de gloire, pratiquant les circuits bis comme les rallies de scooter boys (l’île de Wight était le lieu de prédilection : on y buvait beaucoup de bière avant de se rouler dans la boue) ou les festivals psycho. A quelques exceptions près (Sid Presley Experience, Primevals, Prisoners, les plus proches de la scène mod, mais en version dure et bénéficiant d’un orgue groovy), il y a peu de talents bouleversants sur cette copieuse anthologie, mais elle risque de toucher ceux qui étaient adolescents au début des années 80 et ne trouvaient pas leur compte dans la pop synthétique envahissant les radios de l’époque. Pour nostalgiques qui ont envie de mettre leurs jeans dans la baignoire avant de l’arroser d’eau de javel...
“BOB STANLEY & PETE WIGGS PRESENT STATE OF THE UNION” Ace (Import Gibert Joseph)
La théorie des deux collectionneurs (à ce stade, on peut même parler de musicologues) de Saint Etienne, est que, en 1968, aux Etats-Unis, face à la guerre au Vietnam, aux émeutes raciales, etc., une grande partie d’artistes américains, jusque-là plus ou moins mainstream, se seraient réveillés : une nouvelle prise de conscience, en quelque sorte, changeant sensiblement l’orientation de leur répertoire. Stanley et Wiggs ont donc assemblé quelques morceaux symptomatiques de ce qui leur semble être un réveil social et politique. Ils auraient pu illustrer cela à merveille avec “In The Ghetto” mais ont préféré sélectionner le single oublié et super soul d’Elvis “Clean You Own Backyard”, écrit par le même Mac Davis responsable d’ “In The Ghetto”, avec une musique de Lee Hazlewood. Il y a également un titre grandiose de Sinatra, “The Train”, prodige tiré de son album culte “Watertown”, “Abraham, Martin And John” par Dion effectuant un retour dans une veine musicale inattendue, mais aussi “Saturday’s Father” par les Four Seasons, “4th Of July” par leurs élèves les plus doués, les Beach Boys, ou l’étonnant “Lord Of The Manor” par des Everly Brothers transfigurés. Ailleurs, on trouve un “Southbound Jericho Parkway” étonnant par Roy Orbison, un grandiose “Questions” par Bobby Darin, et même un Dean Martin étonnamment introspectif sur “Do You Believe This Town”. Merci pour tout cela, messieurs Stanley et Wiggs (“Quic’est lesplusforts?C’estlesVerts!”).
Happy Rhodes “ECTOTROPHIA” Numero (Import Gibert Joseph)
Encore une découverte stupéfiante du label Numero qui exhume du passé les oeuvres d’une dénommée Happy Rhodes (en vrai, Kimberley Tyler Rhodes), qui semble avoir une tessiture couvrant vingt-quatre octaves : à côté d’elles, Kate Bush, Lisa Gerrard et Liz Frazer sonnent comme Lemmy en personne. La réédition aligne ce que la NewYorkaise proche de Peter Gabriel a enregistré sur huit cassettes entre 1986 et 1987 : dix-huit morceaux en tout. Des chanteuses mentionnées plus haut, Kate Bush est l’influence la plus manifeste, et les chansons, largement ornées de divers synthés et de guitares acoustiques, ne bénéficient pas de l’accompagnement qu’aurait pu lui fournir un label comme 4AD. Reste tout de même une curiosité de taille.
Stan Ridgway “THE BIG HEAT” Music On CD/ Universal (Import Gibert Joseph)
Celui-ci, par contre, avait fait grand cas dans la presse française à sa sortie en 1986. Il faut dire que la France, parfois capable de bon goût, avait beaucoup aimé les excellents Wall Of Voodoo, et que le tube “Mexican Radio” avait fait son effet à sa sortie trois ans plus tôt. En toute logique, lorsque Stan Ridgway, leader du groupe, sortit son premier album solo, tout le monde cria au génie. Ridgway avait sa voix, ses textes (inspirés de Raymond Chandler et Jim Thompson, on connaît pire), et des chansons de qualité (“Drive She Said”). “The Big Heat”, qui ressort aujourd’hui augmenté de six titres, n’est pas à mettre entre toutes les mains : qui supportera aujourd’hui ces boîtes à rythmes terribles, ces basses jouées au clavier, et tous les gadgets du DX7 ?