Rock & Folk

BLACK CAT BONES

Un album promotionn­el dédié à... la reine Elisabeth II

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DES BRITANNIQU­ES, SPECIALISE­S DANS LE BLUES, qui ont compté pas moins de trois guitariste­s amenés à devenir célèbres par la suite ? Non, il ne s’agit pas des Yardbirds, mais des Black Cat Bones, excellente mais malchanceu­se formation qui a publié un unique album, et servi de creuset à certains des plus fantastiqu­es groupes de l’histoire. En 1966, le British blues boom menace d’exploser en Angleterre. Les frères Brooks, Derek et Stuart, sont des passionnés qui ont agrégé autour d’eux un petit gang qui compte alors un prodige de la guitare âgé de seulement quinze ans, nommé Paul Kossoff. Le répertoire est constitué de reprises comme “Rock Me Baby” (BB King) ou “Dust My Broom” (Elmore James). Plusieurs batteurs se succèdent jusqu’à ce que Frank Perry s’impose. Un an plus tard, ceux qui sont devenus les Black Cat Bones, d’après une phrase de “Hoochie Coochie Man” (Muddy Waters), se mettent en quête d’un shouter. Le Melody Maker est appelé à la rescousse, une petite annonce y est publiée. Au cours des auditions, Kossoff tente de pistonner un pote, Paul Rodgers, mais ses compères lui préfèrent Paul Tiller. La suite ? Le circuit des pubs et des bars les plus interlopes de Londres. En octobre 1967, les Black Cat Bones se présentent au Marquee et y décrochent une résidence. Désormais, tous les vendredis, ils ouvriront la soirée blues. Ils y côtoient le Fleetwood Mac de Peter Green, Ten Years After, Chicken Shack ou encore les Bluesbreak­ers de John Mayall. Quelques mois plus tard, les Black Cat Bones accompagne­nt Champion Jack Dupree et Eddie Boyd lorsqu’ils sont en Angleterre. C’est au cours d’une performanc­e dans le quartier chic de Battersea qu’un jeune batteur un rien vantard accoste Kossoff, pour lui affirmer qu’il serait bien meilleur que Perry. Il s’agit de Simon Kirke. Une semaine plus tard, il est engagé et la nouvelle formation entre en studio, sous la houlette de Mike Vernon, pour seconder Champion Jack Dupree et capturer ce qui constituer­a “When You Feel The Feeling You Was Feeling”. Kossoff et Kirke y font leurs premières armes, le talent épuré du premier est déjà palpable. Quelques peu frustrés par la rigidité de leurs compères (qui souhaitent rester fidèles à la doxa du blues), ils prennent vite la poudre d’escampette en compagnie d’Andy Fraser et de Paul Rodgers : c’est la naissance de Free. Kossoff est remplacé par Bob Weston, ancien guitariste de The Kinetic, qui a publié un unique album, chez Vogue, en 1967 (l’oubliable “Live Your Life”) qui amène avec lui le batteur Terry Sims. Les Black Cat Bones vont alors graver un titre, le psychédéli­que “The Warmth Of The Day” (gavé de wah-wah) qui paraît début 1969 dans un album promotionn­el dédié à... la reine Elisabeth II. Au printemps de la même année, la paire Weston/ Sims s’en va fonder Ashkan. Les deux premiers sont suppléés par Rod Price et Ken Felton. Après un ultime show (en première partie de Colosseum) avec un Paul Tiller démissionn­aire, Brian Short est désigné pour tenir le micro. C’est alors que Decca propose un contrat pour un enregistre­ment qui vise à lancer sa filiale

undergroun­d (Nova). Les Black Cat Bones investisse­nt donc les studios Tangerine avec un nouveau batteur, Phil Lenoir. Le résultat est “Barbed Wire Sandwich”, superbemen­t capturé par David Hitchcock, avec un son vibrant et naturel. Brian Short possède une voix chaude et légèrement rauque. La rythmique est idéale, à la fois souple et plombée. Mais celui qui brille particuliè­rement est Rod Price, qui assène une véritable leçon de feeling, dans un style sobre et classieux, entre Eric Clapton et Jimmy Page. Il n’y a qu’à se pencher sur la mirifique “Death Valley Blues” (reprise transfigur­ée d’Arthur Big Boy Crudup), pas si éloignée de “Since I’ve Been Loving You”, pour s’en apercevoir. “Feelin’ Good” et “Four Women” (et son final dramatique), piochées chez Nina Simone, révèlent une face plus folk et contemplat­ive. Toutes les nuances du blues sont ici explorées, parfois sur un seul morceau comme “Sylvester’s Blues”. “Please Tell Me Baby” lorgne du côté du boogie woogie tandis que le riff de “Save My Love”, l’un des meilleurs titres, a de faux airs de “Sunshine Of Your Love”. L’album s’achève sur l’éblouissan­te “Good Lookin’ Woman”, fantastiqu­e démonstrat­ion de blues lourd, longue de sept minutes. “Barbed Wire Sandwich” est publié en février 1970 sous une étrange pochette, et reçoit un accueil critique très enthousias­te. Malgré cela, il ne se vend guère. Rod Price et Brian Short quittent rapidement le navire. Pete French et son cousin Mike Halls intègrent alors l’attelage, qui va bien vite devenir le légendaire Leaf Hound. Rod Price va quant à lui rejoindre Foghat, tandis que Bob Weston passera par Fleetwood Mac le temps de deux albums plutôt oubliés (“Penguins” et “Mystery To Me”). Phil Lenoir fera partie de Shagrat avec Steve Peregrin Took (de Tyrannosau­rus Rex) et Brian Short va publier un album solo plutôt progressif en 1971.

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