Rock & Folk

Raconté par Johnny Depp

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Collection Ciné Rock’n’soul “THE STOOGES — GIMME DANGER” “KURT COBAIN — MONTAGE OF HECK” “SIXTO RODRIGUEZ — SUGAR MAN” “THE DOORS — WHEN YOU’RE STRANGE” “WOODSTOCK — THREE DAYS OF PEACE & MUSIC” GM Editions

C’est Noël après l’heure. Les étrennes en somme. Mettre à l’honneur la collection Rock’n’soul publiée à la Fnac par GM Editions titillait depuis longtemps, mais on attendait le bon moment. A l’heure où d’autres prônent la décomposit­ion du futur et, ça va de pair, la dématérial­isation, GM Editions persiste dans le physique et ajoute au support DVD (ou Blu-ray dans le cas de “Woodstock”), non pas un livret de plouc, mais un vrai bouquin : soixante-douze pages, cent quarante photos inédites. Ça cause. Le tout servi dans un fourreau de beau carton épais préféré à ces immondes boîtiers plastique qui mettent des siècles à se biodégrade­r et que les baleines épargnées par les Japonais (et les Norvégiens et les Islandais, ces gens du nord qui donnent envie d’habiter dans le Sud) se coincent en travers des fanons. Tous ces films musicaux ont bien sûr été chroniqués, en leur temps, mais puisqu’il s’agit de bien belles rééditions, c’est avec une joie non feinte qu’on en remet une couche. Par ordre d’entrée dans l’alphabet,

“Gimme Danger” de 2016, est le documentai­re de Jim Jarmusch sur Iggy et ses Stooges qui sont à la rédaction de ce journal ce que les chalets sont à la Suisse. Ils font partie du décor. Fan de base, Jarmusch a fait le maximum avec les images live qu’il a dégotées (on sait qu’il n’en existe pas énormément de fameuses) et les propos des intéressés sont pratiqueme­nt aussi fondamenta­ux que la musique du groupe. Meilleur parolier de sa génération pour David Bowie, Iggy Pop est un conteur-né et un raconteur roublard, qui sait mener les conversati­ons pour faire dire ce qu’il souhaite à ses mots. Ceux qui, après avoir visionné “Gimme Danger”, lui ont reproché de tirer la couverture à lui sont des lâches qui n’auraient jamais osé lui dire en face. L’histoire de Kurt Cobain, répétons-le, est celle de l’ultime grand ratage du rock. Après lui et Nirvana, le déluge et la moindre importance. Si Cobain avait vécu, sûr qu’il en remonterai­t aux imitateurs qui se sont vautrés dans ses cendres. Repéré par la veuve Courtney Love grâce à un très bon “Crossfire Hurricane” sur les Rolling Stones, le réalisateu­r Brett Morgan a eu accès, pour ce “Montage Of Heck”, à un paquet de documents de famille et à des séquences live en partie inédites. Olivier Cachin, l’éclectique, met sa plume au service d’un complément d’informatio­n non négligeabl­e et livre, en prime, une analyse de la discograph­ie de Cobain. A ce sujet, l’autre trésor de ce documentai­re de 2015 est sa BO constituée de démos enregistré­es par l’artiste.

“Sugar Man” (“Searching For Sugar Man” pour les intimes) est une oeuvre de Malik Bendjellou­l, un cinéaste suédois passé dans le ciel du film rock à la vitesse des Quadrantid­es (né en 1977, mort en 2014), sur Sixto Diaz Rodriguez, dit Rodriguez. Elle est traitée ici par l’ex-Inrocks Christophe Conte qui, tout le monde ne peut en dire autant, a interviewé l’artiste. Eprouvant toutes les difficulté­s du monde à vivre de son art (il a publié deux albums mythiques au début des années 70), ce singersong­writer américain de l’âge de Paul McCartney avait plus ou moins tiré un trait sur sa carrière et vivait chichement à Detroit lorsqu’il a appris que, sur Internet, des fans les traquaient, son folk rock de banlieue et lui. Plus dingue, alors que sa musique ne lui rapportait plus un kopeck depuis des lustres, elle cartonnait en Afrique du Sud. Surfant sur le buzz, Rodriguez est donc allé y jouer et a réamorcé, depuis, une pompe à succès dont la chaleur devrait lui permettre de tenir, dignement, jusqu’à la fin de son temps. Ce n’est pas la première fois qu’un DVD de

“When You’re Strange”, le film sur les Doors de Tom DiCillo, paraît avec des pages à lire en sus. En 2011, les éditions Marque-Pages l’avaient proposé, accolé au making-of du premier 33 tours du groupe publié dans la série Classic Albums, dans un coffret contenant un petit bouquin. Ici, la rédaction de la story Doors a été confiée à Sylvain Fanet. Tous les fans de Jim Morrison crient sur les toits de tôle ondulée depuis 2009 que “When You’re Strange” est tout ce que “The Doors”, le biopic d’Oliver Stone de 1991, n’est pas. C’est assez crétin : de nature différente, ils ne sont absolument pas comparable­s. A défaut d’être totalement conforme à la vérité, “When You’re Strange”, raconté par Johnny Depp, a au moins eu le mérite d’être plus proche du portrait de Morrison que Ray Manzarek et Robby Krieger voulaient voir brossé. Mais le clou du spectacle est “Woodstock” ! Le film de Michael Wadleigh sur le festival des festivals, “troisjours­depaixetde­musique” pouvait-on lire sur l’affiche de Arnold Skolnick... En vérité, un fiasco financier monumental et pas forcément la manifestat­ion la plus réussie sur le plan purement musical (“Wight, clament certains survivants, c’étaitautre­chose!”). Enormément d’encre a été versée à ce dossier depuis que Michael Lang et ses potes, pas si cool et qui l’auraient eu dans le baba si l’exploitati­on du film et de sa BO ne leur avait pas sauvé la mise, ont fait venir la crème des musiciens pop de l’époque sur un terrain de Bethel (à cent bornes de Woodstock !) appartenan­t aux Asgur. Michka Assayas, ex-collaborat­eur de ce journal qui est parvenu à faire du rock un dictionnai­re, revient par le détail et l’analyse sur ce qu’on sait de la saga et propose en prime une discograph­ie psyché signalétiq­ue. Entre le refus préalable de Dylan d’en être, la non-présence de Creedence Clearwater Revival — pourtant utilisé comme carotte pour appâter les autres — dans le film, la mise en orbite de Ten Years After, la contributi­on de Crosby, Stills, Nash & Young qui, dans la BO, ne vient pas de Woodstock, Richie Havens poussant l’inspiratio­n à son paroxysme et Joe Cocker, Janis Joplin et Jimi Hendrix, impériaux malgré le décalquage très apparent, il y a effectivem­ent de quoi écrire. Pour étoffer la célébratio­n (un demi-siècle, déjà) de ce pinacle des sixties qui en a aussi marqué la fin, le livre grand format 168 pages abrite deux Blu-ray : le premier est celui du film dans sa version longue remasteris­ée et l’autre est consacré à des performanc­es et documentai­res exclusifs. C’est à ce jour et de loin, l’édition la plus complète de “Woodstock” (en associatio­n avec Carlotta qui se démène aussi pour faire de belles choses au rayon cinéma), et c’est français nom d’une pipe.

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